Le crime contre l’humanité en droit pénal international

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Le crime contre l’humanité, il est prévu à l’article 7 du Statut de Rome. Ce crime contre l’humanité, sa particularité c’est qu’il peut être commis en temps de guerre, mais il peut être commis aussi en dehors de la guerre et n’avoir absolument aucun lien avec le conflit. Autant le crime de guerre doit être relié à la guerre, autant le crime contre l’humanité n’a pas à être relié à la guerre. Il peut être commis en dehors de ce contexte de conflit armé. En l’occurrence, et en règle générale, il est commis dans le cadre d’un conflit armé, que ce soit une guerre interétatique comme celle à laquelle on a affaire qui oppose la Russie à l’Ukraine ou que ce soit un conflit armé, mais ça n’est pas un élément constitutif du crime. Qu’est-ce qui caractérise ce crime contre l’humanité? L’article 7 détaille toute une série de crimes – meurtres, assassinats, déportation de populations, torture, etc. –, mais la particularité, c’est que ce crime ne peut être dirigé que contre la population civile, c’est-à-dire qu’un combattant ne peut pas être victime d’un crime contre l’humanité, et la population civile doit être attaquée. C’est-à-dire que le crime est commis dans le cadre – et c’est vraiment les termes de l’article 7 – dans le cadre d’une attaque générale ou systématique contre la population civile et cette attaque, elle doit être menée dans le cadre d’une politique d’État contre la population civile. C’est général ou systématique : les deux critères ne sont pas cumulatifs. Le critère de la généralité, on le déduit d’un faisceau d’indices : le territoire, l’importance du territoire, le nombre de victimes, les moyens déployés. La systématicité du crime, c’est beaucoup plus une appréciation qualitative. Est-ce qu’on a véritablement un schéma dans la manière dont les crimes sont commis, la récurrence des moyens de s’en prendre aux personnes, est-ce qu’on repère des chaînes d’autorité, etc. Et prouver l’attaque ne suffit pas, il faut prouver que cette attaque est reliée à une politique d’État, une politique d’État qui a véritablement planifié cette attaque. Donc on est vraiment dans un crime planifié où les victimes sont ciblées en tant que victimes, et c’est en règle générale pour les terroriser, pour les obliger à fuir. On ne demande pas d’apporter la preuve d’un plan formel, c’est-à-dire que par écrit, on retrouve le plan de cette politique. Pas du tout. Cette attaque peut être déduite d’un faisceau d’indices et l’appréciation est évolutive, c’est-à-dire que quelque chose qui pouvait ne pas exister au début du conflit peut, au fur et à mesure du déroulement du conflit, apparaître. Et en ce moment, c’est justement ce faisceau d’indices qui pourrait conduire à dire qu’à l’heure actuelle, quand on voit la dévastation de Marioupol, de la ville de Marioupol, quand on voit le pilonnage systématique des villes, je pense qu’aujourd’hui effectivement, au vu de la manière dont les choses se déroulent, je pense qu’on est effectivement dans des crimes contre l’humanité qui sont commis actuellement.

Depuis le déferlement de l’armée russe sur l’Ukraine le 24 février dernier, le refus par le Kremlin d’employer certains mots – en privilégiant notamment le terme « opération militaire spéciale » à « guerre » ou « invasion » – nous oblige à revenir sur la juste qualification, en droit pénal international, des actes commis dans le cadre de ce conflit, en vue de désinstrumentaliser cette rhétorique politicienne et ainsi redonner aux violences commises leurs réels contours juridiques.     

Le Statut de Rome prévoit la juridiction criminelle au niveau international à l’égard des individus qui commettent un des crimes qui touchent l’ensemble de la communauté internationale. Il réprime les violations du droit international humanitaire et définit les crimes internationaux fondamentaux les plus graves :  le crime d’agression, les crimes de guerre, les crimes contre l’humanité et le crime de génocide. 

La professeure Muriel Paradelle décortique les éléments à prendre en compte pour retenir la qualification pénale de crime contre l’humanité au sens du droit international dans le contexte du conflit en Ukraine. On entend par crime contre l’humanité un acte commis dans le cadre d’une attaque généralisée ou systématique lancée contre toute population civile et en connaissance de cette attaque, que ce soit dans un contexte de guerre ou non. Ces actes comprennent notamment les meurtres, la torture, les violences sexuelles, l’esclavage, la persécution et les disparitions forcées. Ainsi, les actions de l’armée russe en Ukraine peuvent-elles être qualifiées de crimes contre l’humanité au sens de l’article 7 du Statut de Rome de la Cour pénale internationale? 

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