Réduites au silence par la pandémie : les conséquences de la COVID-19 sur la violence familiale

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Bien que le confinement soit une mesure nécessaire pour lutter contre la propagation du COVID-19, cette mesure maintient de nombreuses personnes dans des situations familiales difficiles.

En effet, les cas de violence conjugale seraient en augmentation et de nombreuses femmes en sont victimes. Les mesures d’éloignement social qui avaient pour but d’aider la population créent de nouveaux problèmes.

L’accès à la justice est une valeur fondamentale du système judiciaire canadien. Pour y parvenir, la transparence et la responsabilité devraient être au premier plan dans la poursuite de cet objectif. En ces temps sans précédent, nous sommes-nous adaptés à notre situation ? Veillons-nous à ce que les victimes de violence familiale aient l’accès dont elles ont besoin et qu’elles méritent ?

Pour mieux comprendre la situation, nous avons décidé de nous adresser à une avocate montréalaise spécialisée dans le droit de la famille pour discuter des défis rencontrés pendant COVID-19.

Lorsque la COVID-19 a commencé et que nous avons été touchés ici à Montréal, il y avait beaucoup d’incertitude. Nous avions entamé des procédures pour des clients qui étaient en attente et qui étaient sur le point d’être signifiées, et nous les avons directement suspendues parce que nous apprenions maintenant que ce conjoint allait être vraiment confiné à la maison avec l’autre partenaire. Surtout s’il s’agissait d’un cas de violence domestique ou de tout autre type d’abus à la maison, nous avions décidé d’attendre avant de lancer ou de déposer la procédure dans ces cas-là et c’était alors vraiment difficile parce que les gens devaient commencer à coexister.

À un moment donné, nos tribunaux étaient vraiment fermés, en ce sens qu’ils n’étaient disponibles que pour les urgences. Ainsi, pour accorder un divorce ou une procédure, que ce soit pour d’autres raisons, il fallait vraiment que ce soit très urgent. Nous avions des cas de pensions alimentaires pour enfants ou pour époux qui étaient urgents. Les affaires de garde d’enfants étaient urgentes, mais c’était très difficile, il y avait un très grand triage pour pouvoir aller au tribunal et quand vous avez déjà affaire à une situation précaire, une situation où il y a toujours déjà beaucoup de stress, ce n’était déjà pas bon, il y avait déjà des mauvais traitements psychologiques impliqués, alors tout est intensifié. Vous avez juste plus d’heures dans la journée pour que cela se produise.

Je dirais que c’est de mars à juillet, c’était très dur. Les gens appelaient pour essayer de connaître leurs droits, il y avait des clients qui m’appelaient, ils essayaient de voir s’ils pouvaient même louer un appartement, parce que quand nous étions vraiment en confinement, mes clients ne pouvaient même pas trouver un appartement. Nous essayons de faire en sorte qu’une des parties quitte la maison parce que c’est intolérable, mais où vont-ils ? Alors, je leur disais de rester dans un hôtel. Je ne pense pas que la violence domestique ait jamais été traitée correctement. Je veux dire que c’est une épidémie en soi, vous savez. Ça dure depuis des années sans qu’on en parle et il y a encore des gens qui en parlent presque en se moquant. C’est réel, c’est une femme sur quatre. Je pense qu’à un moment donné, j’ai entendu une statistique d’une sur trois, c’est incroyable. Et les ressources, nous n’en avons pas assez. Il doit y avoir des services qui sont plus facilement disponibles. Pour obtenir un travailleur social au Québec, la liste d’attente est incroyablement longue, si vous voulez passer par le système public. Donc en fait, si vous ne pouvez pas vous permettre de passer par le privé, il est très, très difficile d’obtenir un traitement, et la liste d’attente est longue. Et parfois les gens n’ont pas ce genre de temps.

Avec les restrictions imposées par les tribunaux et les ressources limitées, nous avons voulu en savoir plus. Comment les services de lutte contre la violence domestique au Québec ont-ils géré les difficultés qui ont surgi en raison de COVID-19 ? De plus, comment les services sociaux participent-ils à notre système judiciaire ? Madame Louise Lafortune est responsable des dossiers liés à la problématique de la violence conjugale et de l’intervention à l’institution de regroupement des maisons pour femmes victimes de violence conjugale. Elle nous a apporté un éclairage important sur ces deux questions.

On a été très inquiète des impacts de la pandémie, et notamment du confinement sur les femmes victimes de violence conjugale et les enfants. Parce que c’est ça, quand le conjoint est tout le temps là c’est d’autant plus dangereux pour les femmes. Il y a d’autant plus de de gestes de violence qui sont posé. Ce qu’on a vu aussi nous dans l’occupation des maisons, tu sais on était en contre-courant de la vague, c’est à dire que quand la vague étais haute, que le confinement était grand il y avait moins d’occupation dans les maisons parce que les femmes étaient plus prises et elle pouvait moins échapper à la violence. Parce que c’est couvent quand le conjoint n’est pas là qu’elles vont appeler à l’aide. Quand le conjoint est présent elles sont prises. Quand il y a eu le déconfinement, donc au mois de juin et puis pendant l’été là il y a eu un gros boom d’appels à l’aide dans les maisons.

Il y a des enjeux de formation importants des différents intervenants. Que ce soit policier, procureur, juge, à la problématique de la violence conjugale et puis bien comprendre que veut dire pour une victime à être dans un processus de violence conjugale et puis les stratégies aussi du conjoint par rapport à ça. On est à réfléchir aussi à la possibilité d’avoir des tribunaux spécialisés. Donc là aussi qui fait en sorte que l’accompagnement de la victime est pris en compte et ça ne devient pas un lieu de revictimisassions. Parce que c’est ça aussi l’enjeux, c’est que les femmes trouvent difficile. Quand elles sentent que dans le fond elles ne sont pas cru, qu’on ne tient pas compte de la dangerosité du conjoint. Dans un système qui est encore basé beaucoup sur les gestes d’agressions, ça ne tient pas compte de l’ensemble de la problématique et puis notamment toute la violence psychologique dont les femmes sont victimes. Fait que ça aussi je pense qu’il y a des avancées à faire à cet égard-là si on veut aider l’ensemble des femmes victimes de violence conjugale et pas seulement les cas qui sont criminalisable parce que notre loi est faite de façon à ce qu’on ne tient comptes que des gestes.

La violence domestique est encore très présente dans notre société aujourd’hui. La pandémie a mis en lumière un problème préexistant. Malgré la persévérance des travailleurs sociaux et des personnes associées à la résolution de ce problème, le chemin à parcourir est encore long. Nous devons assurer la protection des victimes en luttant pour briser les tabous, encourager la dénonciation, faciliter l’accès à la justice et aux services de soutien. Pour ce faire, nous avons tous une contribution à apporter et il est de notre devoir d’être à l’affût, de sensibiliser et de mettre en place les ressources disponibles pour créer un meilleur avenir dans notre société.

La pandémie de COVID-19 a bouleversé notre quotidien et eu des conséquences importantes sur le système de justice et ses institutions. Des mesures sans précédent nous ont confinés dans nos foyers afin de combattre une menace invisible. Cette nouvelle réalité a cependant exacerbé plusieurs problématiques, dont celle de la violence familiale. 

Des étudiants en droit ont choisi d’exposer l’impact de la COVID-19 sur les femmes victimes de violence conjugale du point de vue de l’accessibilité à la justice. Dans cette capsule vidéo, ils vont à la rencontre de Me Sheri Spunt, avocate en droit de la famille à Montréal, qui expose les conséquences de la pandémie sur sa pratique, les litiges familiaux et la situation de ses clientes confinées à la maison en situation de violence conjugale. Ils présentent ensuite les enjeux d’accès aux ressources d’aide en temps de pandémie avec Louise Lafortune, responsable de dossiers au Regroupement des maisons pour femmes victimes de violence conjugale.

Cette vidéo de plaidoirie visuelle a été réalisée par les étudiants en droit Malick Ouattara, Matthew Steinlauf et Samy Sichaib dans le cadre du cours Plaidoirie visuelle / Droit et cinéma de la Faculté de droit de l’Université d’Ottawa, Section de droit civil.

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