Aide médicale à mourir et maladie mentale : Débats, délais et discours dans la législation canadienne

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L’aide médicale à mourir est devenue légal le 17 juin en 2016 avec l’adoption du projet de loi c-14. Le projet de loi c-7 déposé le 17 mars 2021 a élargi les critères d’admissibilité à l’aide médicale à mourir, permettant l’accès à ceux dont le décès naturel n’est pas prévisible sous certaines conditions supplémentaires. Cependant, l’inclusion de la maladie mentale comme motif unique de qualification a été repoussée jusqu’au 17 mars 2023.

L’exclusion a été prolongée d’un ans par le projet de loi c-39 le 9 mars 2023, puis de trois ans, en raison de préoccupations quant à la préparation du système de santé à fournir cette assistance selon les recommandations du comité mix spécial sur l’aide médicale à mourir.

La professeure Emmanuel Bernheim explore les arguments entourant l’aide médicale à mourir pour les troubles mentaux sévères et persistant.

Je suis Emmanuelle Bernheim, professeure titulaire à la section de droit civil de la faculté de droit de l’université Ottawa et je suis titulaire de la chaire de recherche du Canada en santé mentale et accès à la justice.

C’est certain que vous avez vu constater que les positions sont très, très opposées. Je dirais que les personnes qui soutiennent, notamment les associations de médecins, par exemple, qui soutiennent vraiment l’ouverture de l’aide médicale à mourir aux personnes qui sont atteintes de preuves de santé mentale, vont avoir un argument très fondé sur la discrimination, sur le fait qu’être en fait l’interdire, l’accès constitue une discrimination en soi, puisque que c’est aussi le fait de nier la gravité, en fait, que peuvent avoir certains troubles de santé mentale. Le fait qu’on n’arrive pas nécessairement à aider les personnes à aller, les faire, avoir une vie qui leur semble acceptable, qui leur est agréable. Donc, et puis qui peuvent ces personnes peuvent vivre de la détresse sur des décennies et que ça peut s’apparenter à la gravité si on veut que toute autre maladie peut avoir donc de faire cette différence là en soi, quand une discrimination autant sur le plan de la maladie, elle même ce sa gravité, ce qu’elle représente, mais aussi les droits des personnes concernées. Et le fait de leur nier cet accès là suit vraiment une atteinte à leur droit. Donc, les personnes qui appuient l’initiative sont plutôt dans ce genre d’argument alors que les arguments contre vont avoir un fondement qui, à certains égards, peut être plus morale, c’est à dire que il y a ces idées qu’on pourrait basculer ou retourner dans des patterns qui ressemblent un peu à de le génie, par exemple, en ciblant des personnes qui seraient vulnérables, par exemple, qu’on pourrait influencer à aller vers l’aide médicale à montré parce que c’est des personnes qu’on trouve, par exemple, un peu productive, peu fonctionnel dans notre société et que ce serait un moyen en guillemets détourné de s’en débarrasser jusqu’à un certain point.

Donc on pourrait glisser dans ce genre de choses et qu’en même temps, on questionne aussi la capacité réelle que les personnes peuvent avoir en fait à consentir à ce genre d’acte. Donc on va beaucoup faire en fait, au minimum, soulever la question à savoir est ce qu’une personne qui a un problème de santé mentale grave est vraiment en mesure d’exprimer un consentement libre et éclairé qui est valable? Et à ce moment, là de vraiment consentir à ce genre de procédure, auquel cas, puisque c’est irréversible, il y a une très grande gravité attachée à ça. Donc, il y a ces éléments là aussi, qui vont être plus de l’ordre du besoin de protection des personnes et du fait que il y a cette idée qu’il faut d’abord les protéger peut être contre elles mêmes jusqu’à un certain point, mais aussi que dans un contexte ou les services de santé mentale sont peu disponibles.

Il existe une nécessité de réformes systémiques dans les domaines médicaux et sociaux en raison des obstacles à l’accès aux ressources de santé mentale. Madame Bernheim plaide en faveur d’une couverture publique des services de santé mentale pour réduire les inégalités et ainsi sur l’importance des services sociaux pour améliorer la qualité de vie des personnes atteintes de troubles mentaux.

On a vu aussi à plusieurs reprises, des personnes se présentaient à l’urgence, ne ne pas pouvoir avoir de service même en se présentant en grande détresse à l’urgence.

Donc c’est difficile, même obtenir, rendez vous avec un médecin dans le contexte actuel, mais c’est peut être ce qui est le plus, ce qui reste en fait de plus facile entre guillemets et dans la mesure ou des services sociaux, il y en a quasiment plus des services, par exemple, de psychologues ne sont pas pris en charge par l’assurance publique. Donc déjà qu’il n’a pas pas suffisamment de psychologue, mais ce n’est pas tout le monde qui peut accéder à ces services là dans le cas ou ils sont accessibles. C’est souvent un certain nombre de séances très limitées. Donc on va, vous allez pouvoir avoir un rendez vous téléphonique avec un psychologue suivi de quelques séances. Ça va être par exemple, maximum 10 séances. Quelqu’un qui a des problèmes d’ampleur, même moyenne dix séances, ce n’est pas suffisant. Donc ça fait en sorte que finalement c’est ce qui est de plus accessible dans le contexte actuel, ça reste la médication, qui est d’ailleurs pas nécessairement prescrite par un psychiatre. On se rend compte quand même que les médecins généralistes vont prescrire de la médication psychiatrique. Donc ce n’est pas nécessairement le psychiatre qui va faire ça, mais que mise à part l’accès à la médication, il n’y a pas beaucoup de diversité de services va avoir un certain, certains services communautaires peuvent être offerts. Mais si on pense à de l’accompagnement plus soutenu des équipes multidisciplinaires, par exemple, ça reste rare. C’est par exemple un soutien à la maison pour certaines personnes comme la psychothérapie, comme j’en parlais. C’est donc différents types de services sont difficilement accessibles, soit ou pas accessibles du tout pour une certaine partie de la population.

Donc, l’accès est vraiment actuellement très difficile et en plus, pas nécessairement correspondant aux besoins des personnes. C’est à dire que déjà vous avez accès à peu de choses, vous allez prendre ce qu’on vous offre, mais ce n’est pas nécessairement ce que vous auriez voulu. Donc puis là, encore une fois, c’est qu’on écoute peu et on console peu les gens sur ce qu’ils souhaiteraient obtenir.

C’est vrai, en matière de santé en général que je pense que la population est peu sollicitée, à savoir quel genre de service vous souhaitez avoir, quel genre de service vous souhaitez prioriser, mais en santé mentale, particulièrement parce qu’on considère bien souvent que les personnes, elles mêmes ni leur état, ne comprennent pas leur état ou ne l’acceptent pas. C’est certain qu’on ne ne va pas nécessairement tenir compte du point de vue qu’elles peuvent avoir ou de leurs souhaits. On va dire, en terme de service. Donc, même le fait d’entendre les personnes just exprimer ce qu’elles souhaitent, c’est très, c’est très rare en fait.

Comme dans le contexte actuel, on se pose quand même la question de l’influence, justement de l’absence de services sur la détresse que peuvent vivre certaines personnes, par exemple, c’est certain qu’on peut s’imaginer que il faudrait au minimum rendre une diversité beaucoup plus grande de services réellement accessibles pour que les gens puissent justement ne pas se rendre au bout d’une situation qui est insupportable sans avoir accès à aucun service, sans en mesure de répondre à leurs besoins d’une manière ou d’une autre sans avoir personne pour les soutenir, etc. Puis éventuellement de dire, après avoir tenté tout ce qui est possible, éventuellement l’aide médicale à mourir pourrait être rendue disponible, peut-être.

L’inclusion dans la législation de la maladie mentale comme seule condition médicale pour obtenir l’aide médicale à mourir a suscité d’importants débats au Parlement canadien récemment. Depuis l’arrêt Carter c. Canada (Procureur général) de 2015 et l’adoption subséquente du projet de loi C-14, l’aide médicale à mourir est devenue légale le 17 juin 2016. Le Code criminel permet aujourd’hui à des médecins et infirmières praticiennes de fournir cette assistance à des adultes aptes et consentants souffrant d’une condition grave et irrémédiable menant à une mort naturelle prévisible. 

Le projet de loi C-7, déposé le 17 mars 2021 au Parlement du Canada, a élargi les critères d’admissibilité pour les personnes dont le décès naturel n’est pas prévisible, sous certaines conditions.  Cependant, l’inclusion de la maladie mentale comme motif unique de qualification a suscité de vifs débats et n’a toujours pas été accepté par le Parlement. 

Des étudiantes ont voulu peser les pour et le contre de ce débat et elle se sont intéressée aux enjeux structurels de prise en charge des des personnes souffrant de troubles mentaux. Avec la professeure Emmanuelle Bernheim, elles explorent les arguments qui de part et d’autre militent ou s’opposent au refus du Parlement d’élargir l’aide médicale à mourir. 

Ce débat soulève, pour la professeure Emmanuelle Bernheim, des enjeux systémiques dans les domaines médicaux et sociaux, notamment sur la question des obstacles à l’accès aux ressources de santé mentale. La professeure Bernheim plaide en faveur d’une couverture publique des services de santé mentale pour réduire les inégalités et insiste sur l’importance des services sociaux pour améliorer la qualité de vie des personnes atteintes de troubles mentaux.

Cette vidéo de plaidoirie visuelle a été réalisée par les étudiant.e.s en droit Amanda Buttice, Alexandra Castiel, Grace El Chami, Shaun Jamison et Kim Nguyen dans le cadre du cours Plaidoirie visuelle/Droit et cinéma proposé à la Faculté de droit de l’Université d’Ottawa, Section de droit civil. 

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