Derrière l’écran: La perspective des jeunes façonne les approches face à la violence facilitée par la technologie 

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La violence facilitée par la technologie englobe un large éventail de préjudices, tels que la propagation évidente de la haine en ligne, la divulgation non consensuelle d’images intimes, l’utilisation de logiciels espions et de dispositifs de surveillance pour contrôler et surveiller le comportement des individus. 

Je m’appelle Jane Bailey. Je suis professeure de droit de l’Université d’Ottawa, à la Faculté de droit. Je suis également la co-leader du projet eQuality. Le projet se concentre sur les expériences des jeunes dans les environnements en ligne. 

Notre travail se concentre sur les communautés en quête d’égalité qui sont gravement impactées par la violence facilitée par la technologie. 

Je me suis intéressée à ce sujet il y a environ 20 ans, lorsque j’étais avocate junior dans le premier dossier de discours haineux sur Internet entendu par le Tribunal canadien des droits de la personne. En tant que plaideuse, j’ai trouvé beaucoup d’enjeux intéressants et j’ai ainsi lancé mon projet de recherche. J’ai ensuite obtenu ma maîtrise et étudié la propagation de la haine en ligne et comment elle pourrait être réglementée. 

Depuis, j’ai examiné plusieurs aspects de la violence facilitée par la technologie, telle que l’exploitation sexuelle des enfants en ligne, et d’autres formes d’abus basés sur des images. Je suis également très intéressée par le rôle que jouent les entreprises et les gouvernements dans la structuration de l’environnement en ligne de manière à favoriser et perpétuer les préjudices en ligne et de nombreuses formes de violence facilitée par la technologie. 

Ce que nous faisons également, c’est encourager les décideurs à discuter directement avec les jeunes. Les jeunes ont tant à nous enseigner si nous sommes disposés à écouter, et une partie de notre objectif est d’espérer un processus politique plus consultatif qui intègre la participation des jeunes. 

Nous avons appris des filles et des jeunes femmes à propos de leurs préoccupations et de l’impact que le harcèlement en ligne et la menace de jugement avaient sur elles, affectant leur capacité à fonctionner et à s’épanouir. Une chose qu’elles nous ont clairement signalée était leur inquiétude quant au fait que l’accent était souvent mis sur ce qu’elles devraient ou ne devraient pas faire, et elles nous ont dit directement: «Laissez-nous tranquilles. Pourquoi les décideurs ne se préoccupent-ils pas de ce que font les entreprises en créant un environnement en ligne qui nous oblige à fournir autant de données sur nous-mêmes, nous exposant ainsi à des risques de discrimination et de harcèlement. Pourquoi ne parlons-nous pas de ce que font les adultes et de ce qu’ils devraient ou ne devraient pas faire?» 

Nous nous concentrons également sur des façons originales d’impliquer les jeunes afin qu’ils puissent partager directement leurs expériences avec les décideurs. Nous avons eu le privilège d’organiser des ateliers où nous avons invité des jeunes à partager leurs idées et à exprimer leurs expériences de manière artistique. C’était une opportunité passionnante d’impliquer les gens dans ce que certains appellent maintenant l’ «artivisme», pour exprimer réellement des expériences, des idées et des préoccupations de manière artistique, permettant ainsi à d’autres d’aborder ces questions d’une manière légèrement différente. 

Ainsi, bien que la technologie puisse évoluer, de nombreuses questions sociales qui se posent nous obligent, en tant qu’adultes, à apporter le soutien nécessaire pour créer un environnement dans lequel tous les jeunes peuvent s’épanouir. 

La connectivité qui caractérise notre monde numérique et continûment branché s’accompagne de défis généralisés et persistants. La prévalence de la violence facilitée par les technologies, un phénomène à multiples facettes qui bouscule les perceptions conventionnelles de la violence, est particulièrement alarmante et nécessite une attention immédiate. 

Traditionnellement, les définitions de la violence mettent l’accent sur les actes physiques d’agression perpétrés par des individus. Cependant, les réseaux numériques permettent des torts qui vont bien au-delà du physique. La traque, la propagation de la haine, le harcèlement, la diffusion non consensuelle d’images intimes, les hypertrucages et la divulgation de données personnelles facilités par la technologie entraînent également des préjudices psychologiques, émotionnels, culturels, sociaux et financiers.  Les entreprises technologiques jouent un rôle essentiel dans la facilitation de ces préjudices, par exemple en plaçant les contenus controversés en tête des résultats de recherche afin de maximiser l’engagement des utilisateurs. 

La professeure Jane Bailey est à l’avant-garde de la recherche sur la violence facilitée par les technologies, particulièrement en ce qui a trait à ses effets négatifs disproportionnés sur les membres des communautés marginalisées sur le plan du genre et d’autres communautés en quête d’égalité, ainsi que sur le rôle joué par les entreprises technologiques dans la perpétration de ce type de violence. De concert avec la professeure Valerie Steeves, elle codirige l’eQuality Project, une initiative de recherche axée sur les expériences des jeunes dans les espaces numériques notamment en ce qui concerne le respect de la vie privée et l’égalité. Dans cette vidéo, la professeure Jane Bailey explore la nature de ces violences. Elle explique comment le point de vue des jeunes est essentiel pour trouver des moyens efficaces et proactifs de s’attaquer à ses méfaits et aux structures sociales et économiques sous-jacentes qui les favorisent. 

Des manchettes sur les conséquences parfois tragiques de la violence facilitée par les technologies ont contribué à une prise de conscience collective croissante de ce problème. Or, ces exemples nous incitent aussi à nous questionner sur l’applicabilité et l’efficacité des réponses pénales au Canada dans ces situations. Bien que des mesures législatives ont été introduites pour lutter contre des délits tels que la divulgation non consensuelle d’images intimes, les travaux de la professeure Bailey soulignent la nécessité d’aller au-delà des réponses pénales réactives et individualisées vers des interventions réglementaires, éducatives et sociales globales et proactives. Elle cherche à faire évoluer nos cadres juridiques afin de garantir que les personnes ciblées par des violences facilitées par les technologies reçoivent un soutien adéquat et que celles qui cherchent à tenir leurs auteurs légalement responsables soient en mesure de le faire. Surtout, la chercheuse au rôle que jouent les entreprises et les gouvernements dans la création de types d’environnements virtuels qui perpétuent et encouragent différentes formes de préjudices et d’abus en ligne. 

Le projet eQuality s’est engagé à aider les jeunes à exprimer leurs propres expériences, préoccupations et aspirations, que ce soit à l’école, dans un contexte social ou dans le cadre d’un processus d’élaboration de politiques. En amplifiant leur voix et en favorisant un dialogue avec des organisations partenaires et des décideurs politiques, la professeure Bailey donne aux jeunes des moyens de défendre leurs intérêts à long terme. Grâce aux efforts concertés des parties prenantes du projet eQuality et à leur façon originale de partager les savoirs, de nouvelles perspectives sont mises à la disposition des décideurs politiques. L’objectif ultime : améliorer les politiques et les pratiques, et promouvoir un monde social, juridique et technologique juste qui donne la priorité aux droits plutôt qu’aux profits. 

Références et liens utiles
A propos de la chercheuse

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