Décoloniser l’apprentissage juridique: La Section de common law sur la voie de l’appel à l’action 28

Des sous-titres sont disponibles en anglais et en français.

En 2015, la Commission de vérité et réconciliation a publié son rapport final contenant 94 appels à l’action, dont l’un s’adressait spécifiquement aux écoles de droit, l’appel à l’action 28, qui stipulait que les écoles de droit devraient proposer des cours obligatoires en rapport avec les connaissances de fond sur les pensionnats, les relations entre la Couronne et les autochtones, le droit autochtone canadien, les droits et ordres juridiques autochtones et la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones. Il a également été dit que nous devions aider nos étudiants à acquérir certaines compétences : formation antiraciste, antidiscrimination et autres compétences qui les aideraient à interagir avec les principes juridiques autochtones, mais aussi avec les populations autochtones dans le cadre de leur pratique juridique à l’avenir. 

Pendant de nombreuses décennies, des personnes ont affirmé qu’elles s’intéressaient à des sujets, qu’elles voulaient faire changer les choses, mais elles ne l’ont pas fait elles-mêmes. Nous devons penser que nous faisons partie de la résolution des problèmes, et de faire partie de la résolution des problèmes pour ces sujets qui ont été oubliés pendant si longtemps signifie que nous allons probablement résoudre les problèmes un peu différemment.   

Nous avons donc fondé notre modèle sur les Sept enseignements sacrés et abordé, par exemple, en première année, les enseignements de la vérité, du courage et de l’amour, pour enseigner au sujet de la Commission de vérité et réconciliation, de l’histoire des litiges et du droit autochtone canadien, ainsi que des droits autochtones et des ordres juridiques à nos étudiants de première année. 

Je pense que l’une des choses avec lesquelles nous commençons est de réfléchir à la manière dont l’éducation juridique a fondamentalement et historiquement travaillé dans le passé pour exclure la voix indigène, les droits autochtones, l’influence des peuples autochtones sur le droit en général et les effets secondaires de cela. 

Les modules que nous enseignons ne sont qu’une petite partie d’un document et d’un plan beaucoup plus vastes appelés le Pathways Plan. Ce plan est un projet ambitieux de décolonisation et de réconciliation ici à la Faculté, qui comprend des éléments d’enseignement, mais aussi de construction communautaire ; il comprend l’enseignement et l’apprentissage pour les professeurs ; il comprend le soutien de notre faculté et de notre personnel autochtone et de nos étudiants en particulier. 

Les étudiants apprennent l’histoire des relations entre la Couronne et les autochtones au Canada et l’impact du système juridique sur les peuples autochtones tout au long de l’histoire ; l’impact sur l’identité, l’utilisation des terres, le sentiment d’appartenance, l’exercice des droits liés aux traités et des droits des autochtones, par exemple, les droits de chasse et de pêche, ainsi que certains des défis auxquels les autochtones ont dû faire face pour revendiquer leurs propres droits par le biais du système juridique. 

L’étoile à sept branches est le cadre de ce cours. Elle s’appuie sur les Sept enseignements sacrés Anishinaabe, communs à de nombreuses nations Anishinaabe, qui servent de cadre d’apprentissage et d’enseignement. Ils font appel à ces enseignements pour faire preuve d’amour, d’humilité et de respect, et de toutes les choses qui créent une bonne vie, ou ce que l’on appelle en Anishinaabemowin Minobimaadiziwin. 

C’est donc le cadre que les étudiants utiliseront et nous leur demanderons de réfléchir à chacun de ces enseignements, de les apprendre, de réfléchir à la façon dont ils sont absents de certaines parties de leur apprentissage juridique, à la façon dont ils sont intégrés dans d’autres parties de leur apprentissage juridique, dans la common law par exemple, puis de réfléchir à la façon dont ils peuvent agir sur ces enseignements de façon holistique tout au long de leur expérience d’apprentissage juridique à la faculté, puis de poursuivre cette action dans leur pratique juridique à l’avenir.  

J’espère vraiment que les étudiants repartent avec le sentiment d’avoir les outils de base et la curiosité nécessaires pour entamer un parcours d’apprentissage tout au long de la vie. Certains sont arrivés avec une grande expérience de la Commission de vérité et réconciliation, des relations entre les autochtones et la Couronne, du droit autochtone, tandis que d’autres n’en sont qu’au début de leur apprentissage. J’espère donc qu’entre les trois cours, ils pourront constater qu’ils savent comment trouver le droit autochtone, qu’ils savent comment poser des questions importantes sur la mise en œuvre de la Commission de vérité et réconciliation dans les endroits où ils travailleront en tant qu’avocats et défenseurs des droits de la personne. 

En tant que juristes, ils ont un rôle à jouer dans la réconciliation à venir. En tant que futurs praticiens du droit, ils ont donc la responsabilité de s’attaquer à l’héritage des préjudices et de planifier un avenir de réconciliation.  

L’une des choses que nous apprenons dans le rapport final est la fréquence à laquelle le mot “justice” est mentionné. Le rôle des avocats dans la mise en œuvre de la justice est l’une des façons dont, en tant qu’enseignants d’un campus universitaire, nous avons choisi d’intervenir et d’aider d’autres personnes à le faire. Ainsi, non seulement la répétition du concept de justice revêt une grande importance pour nous, comme il se doit, mais l’idée d’aider d’autres personnes qui ont un peu peur de ce qu’il faut faire ensuite ou qui ont besoin de savoir comment être exposées à des sujets qui les aideront à mieux comprendre l’histoire canadienne et l’histoire des peuples autochtones. Nous avons décidé de nous lancer dans cette aventure. 

Les étudiants de la Faculté de droit seront amenés à travailler avec des Autochtones dans le cadre de leur pratique juridique et, quelle que soit la dimension de l’interaction professionnelle qu’ils auront à l’avenir, ils devront tenir compte du rôle du droit dans la colonisation et du rôle du droit dans la décolonisation, et le fait de commencer cet apprentissage en première année et de le poursuivre est très important pour notre Faculté et fait partie de notre engagement envers la réconciliation à long terme. 

La Commission de vérité et réconciliation (CVR) a été établie en 2007 pour faire état des préjudices infligés aux peuples autochtones par le système des pensionnats au Canada. Pour sensibiliser le grand public et engager un dialogue, la CVR a publié en 2015 son rapport final énonçant 94 appels à l’action, soit des recommandations en vue de faciliter la réconciliation entre la population canadienne et les peuples autochtones. 

L’un de ceux-ci, l’appel à l’action 28, s’adresse expressément aux facultés de droit, leur demandant de créer un cours obligatoire sur les peuples autochtones et le droit. Ce cours doit traiter de l’histoire et des séquelles des pensionnats, de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, des traités et des droits des Autochtones, des systèmes et des traditions juridiques autochtones, ainsi que des relations entre l’État et les Autochtones. L’appel à l’action 28 préconise également une formation axée sur les compétences pour ce qui est de l’aptitude interculturelle, du règlement de différends, des droits de la personne et de la lutte contre le racisme. 

Pour les professeures Aimée Craft et Anne Levesque, qui enseignent dans le Programme de common law en français, la réconciliation est l’affaire de toute la population canadienne. La Section de common law a ajouté à son programme des modules de cours obligatoires à la première année d’études, qu’elle a offerts pour la première fois en 2023. En plus de la formation en classe sur l’histoire et les conséquences  du système juridique canadien sur les peuples autochtones, ces modules ont donné l’occasion à une première cohorte d’étudiantes et étudiants de visiter des sites dans la région d’Ottawa, afin de mieux comprendre l’importance de ces lieux dans le contexte des relations entre le Canada et les premiers peuples. 

Les modules s’articulent autour des sept enseignements sacrés communs à plusieurs nations du peuple algonquin anishinaabe, afin d’établir un lien direct avec le territoire non cédé sur lequel se situe l’Université d’Ottawa. Ce cadre a donné forme aux différents modules axés sur la vérité, le courage et l’amour, invitant les étudiantes et étudiants à faire preuve d’humilité et de respect, deux attitudes propices à ce que les Anishinaabe appellent minobimaadiziwin, c’est-à-dire une bonne vie. 

Le programme en anglais

Les professeurs Aimée Craft, Signa Daum Shanks et Angela Cameron présentent le programme de la section de common law en anglais (des sous-titres en français sont disponibles)

Les professeures Aimée Craft, Signa Daum Shanks et Angela Cameron, qui enseignent au programme de common law en anglais, discutent des mesures prises par la Section de common law, reconnaissant le rôle primordial des juristes dans le processus de réconciliation. 

Les étudiantes et étudiants en droit qui formeront la relève demain doivent prendre conscience des torts causés aux peuples autochtones par le système juridique du Canada et se préparer à poursuivre les efforts de réconciliation. Ces cours leur apprendront à reconnaître le droit autochtone, à poser d’importantes questions sur l’application des recommandations de la CVR et à approfondir la recherche et les écrits sur les relations entre les Autochtones et l’État. Enfin, ces enseignements les amèneront à réfléchir sur la question et à considérer la justice sous un tout nouvel angle.

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