Le crime de génocide en droit pénal international 

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Le crime de génocide, il est prévu à l’article 6 du Statut de Rome. C’est le crime qui consiste à vouloir éliminer un groupe en raison de son identité. En droit pénal international, on a une définition restrictive de ces identités : c’est une identité nationale, ethnique, raciale ou religieuse, et c’est uniquement les groupes qui relèvent de ces identités-là qui peuvent être victimes de génocide. Et la spécificité du génocide – et c’est ce qui en fait ce crime des crimes –, c’est que vous êtes tués en raison de votre identité. Ce qui veut dire qu’on va tuer le nourrisson, on va même aller chercher le fœtus dans le ventre de la mère et on va tuer jusqu’à la personne de 90 ans ou plus, parce qu’on ne veut pas seulement tuer dans le génocide. C’est un crime d’éradication, et éradication au sens latin du terme radix : on va tuer le groupe jusque dans ses racines, on va chercher les racines du groupe dans la matrice du corps de la femme. C’est un crime d’extermination – extermination, terminus : là, on tue jusqu’au dernier. Et c’est ça la spécificité du génocide, c’est qu’on veut éliminer le groupe. En plus, dans un génocide, en face de soi on n’a pas des résistants, on n’a pas des combattants, on n’a pas même des opposants. Dans un génocide, on a des personnes qui ont le malheur d’être nées : c’est leur identité qui les désigne à la mort; c’est l’identité qui est mortifère. Et ce qui distingue le crime contre l’humanité du génocide, on est dans des crimes de masse, on est dans des crimes collectifs, on est dans des crimes planifiés, mais dans le crime contre l’humanité, on n’a pas la volonté d’éliminer le groupe en raison de son identité, ce qui est la spécificité du crime de génocide. Ce qui veut dire qu’au niveau de la poursuite, ce qui est extrêmement difficile, c’est d’aller prouver cet élément intentionnel. Par contre, comme c’est le crime des crimes, on va énormément utiliser ce vocabulaire, parce que c’est le crime qui suscite le plus de répulsion quand on dit génocide. En plus, qui dit génocide, images immédiates : camps d’extermination, génocide des juifs d’Europe, la Shoah, et ça a été une telle atrocité qu’immédiatement, on va susciter l’opprobre et on va susciter la volonté de réagir. C’est pour ça qu’on instrumentalise ce vocabulaire. En ce qui concerne la guerre en Ukraine, si le président Zelensky acceptait de capituler ou acceptait de négocier aux conditions de Vladimir Poutine, tout s’arrête. Donc on n’a pas cette volonté génocidaire. Ça ne veut pas dire que les éléments constitutifs ne puissent pas un moment donné être rencontrés, mais pour l’instant, aucun des éléments constitutifs du crime en droit pénal international n’est rencontré. 

Dès le début de l’agression russe en Ukraine, le terme « génocide » a été employé à différentes reprises.  

La première occurrence du terme est venue du président russe Vladimir Poutine lui-même, qui a parlé à cette occasion du « génocide de la population prorusse » du Donbass pour justifier l’invasion du pays. Le président ukrainien Volodymyr Zelensky a, par la suite, lui aussi recouru à ce vocable pour qualifier les crimes massifs commis contre la population civile et ainsi convaincre les pays européens et l’OTAN de s’engager dans le conflit.    

La question qui se pose ici est de savoir si un génocide est bel et bien en train d’être commis contre le peuple ukrainien. Pour ce faire, il convient de revenir sur la définition qu’en font les instruments internationaux, soit l’article 2 de la Convention pour la prévention et la répression du génocide du 9 décembre 1948, définition reprise mot pour mot par l’article 6 du Statut de Rome instituant la Cour pénale internationale.  

Dans cette capsule, la professeure Muriel Paradelle explique l’élément fondamental qui distingue le génocide de toute autre criminalité de masse, dont les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité. 

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