Les enjeux juridiques et éthiques des incendies dans les bâtiments agricoles 

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Bonjour je m’appelle Sarah Berger Richardson. Je suis professeure agrégée à la Section de droits civil de l’Université d’Ottawa et aujourd’hui je vais vous parler d’un sujet qui me tient à cœur: le problème des incendies dans les bâtiments agricoles.

Il y a quelques années, j’ai reçu par la poste un autocollant que j’ai affixé sur ma porte de ma maison, pour alerter les premiers répondant en cas d’urgence, que j’ai un chien à la maison. Depuis mon enfance j’ai peur des feux. Quand les pompiers sont venus à l’école primaire pour nous parler de l’importance des plans d’évacuation, à la maison j’ai décidé de mettre tous mes biens spéciaux, mes peluches, dans des sacs en plastique pour pouvoir les attraper rapidement en cas de feu en sortant de la maison. Mais j’ai toujours cette peur et même pour mon chien aujourd’hui. Et moi j’ai toujours cette crainte que en cas d’urgence,si on doit s’évacuer et elle s’échappe, elle aura pas son collier avec son identification.

Mes recherches portent sur le droit agroalimentaire et j’ai un intérêt particulier pour le bien-être des animaux d’élevage. Alors, si le bien-être de mon chien en cas d’incendie me préoccupe je me pose la question: comment ça se passe pour les animaux d’élevage qui sont sur une ferme? Pour répondre à cette question je suis allée visiter la ferme laitière « Lijonor » pour apprendre d’un fermier laitier comment il a vécu un incendie à sa ferme.

Salut, salut Isabelle! Bonjour!
Sarah? C’est bien ça? Oui, Jonathan enchanté! Bonjour bonjour. Merci! Ça fait plaisir, fait plaisir. Allez-y, on va allé voir ça. Ok je vais vous montrer ça! Merci.

Dans le temps d’une ,semaine la culture va être faite, on commence à sortir les vache « taries » et une semaine d’après ou même la même semaine, c’est quelque « taures ». On sort une quinzaine de « taures » puis autour de cinq vaches.
Merci de nous accueillir sur votre ferme. Ça fait plaisir!
Je m’appelle Jonathan Saint-Pierre, je suis de la ferme Lijonor 2012. Lijonor, c’est Lise, Jonathan et Normand. Je suis la 4e génération et j’ai un petit, un petit garçon et une grande fille qui vont probablement faire la 5e: ce que j’aimerais. Et on est une ferme laitière de 65 vaches présentement avec autour de 60 relèves, avec aussi deux robots de traite en traite robotisé, avec utilisation libre. Mes animaux vont dehors encore quand qu’ils sont en congé, soit « taries » et les adolescents, les « taures » plus grandes, près du vérage, mais ils vont dehors, tout le monde va dehors. Dans leur vie tout le monde va aller dehors ou ont été dehors. Donc on est dans un bâtiment neuf, mais je comprends qu’il y a encore des défis avec un bâtiment neuf, donc qu’est-ce qui s’est passé en février 2023? Le 14 février 2023 j’ai un appel à 1h57 du matin pour être très précis, qui n’arrive pas tant que ça souvent, mais mon robot m’appelle, le robot A5, le A4 était pas là, le A5 était là. Il m’appelle pour me dire qu’il y avait pas de vache au robot pendant 10 minutes. Qu’est-ce qui devrait pas arriver, jamais. Donc ça veut dire qu’il y avait un problème. Donc que en pleine nuit je m’habille, ça me prend 8 minutes arrivé ici sur place et dans un coin du bâtiment, ben j’avais un tracteur qui était, qui était arrêté là, un vieux tracteur de 1972 et qui était en feu. Quand je suis arrivé dans le bâtiment avec ma porte extérieure, il y avait une fumée à la grandeur de l’étable, puis on était février donc la ventilation était pas trop ouverte. Donc, ce que j’ai fait: j’ai appelé tout de suite le 911. Avec la centrale, j’ai dit que le bâtiment n’était pas en feu, qu’il y avait un tracteur en feu, qui soit dans le bâtiment neuf, mais entre deux bâtiments qui regroupait 140 têtes. Donc je disais, je disais à la fille de la centrale je disais: ça presse, c’est important mais je dis on peut tout sauver encore. Donc j’ai dit, je vais aller au plus vite je vais essayer de passer le plus d’extincteurs que je peux pour essayer d’éteindre. Et j’ai réussi à en passer trois. Ensuite des amis pompiers, tout près, juste à un demi-kilomètre d’ici, sont arrivés en moins de 4 minutes. Et que je leur ai donné en plus deux autres extincteurs, puis avec mes trois extincteurs que j’ai mis initialement, ça flambait encore tellement, je faisais que ralentir. Entre l’appel que j’ai fait et le premier pompier qui est arrivé à arroser, il s’est déroulé 14 minutes.

Après que j’ai vidé mes trois extincteurs, ben j’ai pas cours à mon garage pour aller chercher deux autres extincteurs et mon tracteur à pelle.
Et euh, les pompiers se faisaient encore attendre. Je suis arrivé avec mon tracteur à pelle, j’ai essayé de sortir le tracteur au plus, au plus rapidement en déboîtant carrément tout le petit tracteur qui était en feu. Mais suite à ça, mon deuxième tracteur, mon tracteur à pelle s’est éteint. Complètement éteint. Donc ça a pris quelques minutes, je suis allé chercher un troisième tracteur puis en revenant avec mon troisième tracteur les pompiers étaient déjà arrivés. Ça faisait 14 minutes que j’avais appelé. Puis il y avait déjà installé une piscine dans la cour. Il y avait cinq camions, 19 pompiers et ils ont arrosé pendant une minute et tout était fini.

Alors c’est ici que que tout commence. C’est exactement là que ça a tout commencé, j’avais un petit tracteur de parké ici. À toutes les semaines on s’en servait, puis euh, le tracteur s’est allumé tou seul. Quand je suis arrivé à 2h le matin, ben j’avais des spectatrices qui me regardaient ici, j’avais un feu déclaré sur le capot de près de 1 demi-mètre et un peu plus. Donc, le mieux ça été d’appeler comme j’ai fait au début, ma ventilation, d’aller chercher un autre tracteur pour essayer de sortir au plus vite, pour essayer de sauver le bâtiment, pour essayer de sauver toutes mes amies. J’étais très sénère mais extrêmement précis.

C’est le robot A5 qui m’a appelé, soit le premier, Donc, j’ai même pas enlevé l’alarme. L’alarme sonnait mais c’était pas important, le plus important c’est qu’il m’a appelé. Puis ben les vaches ne voulaient même pas aller se faire traire,
elles étaient bien trop occupé à regarder le feu puis c’est correct, parce c’est très impressionnant. Pour quelqu’un que, j’ai jasé quelqu’un qui a déjà eu un feu chez eux. Le crépitement et l’odeur c’est vraiment désagréable dans une étape, c’est de quoi atteindre quelqu’un. C’est quelque chose à pas vivre, à pas vivre. Les vaches c’est des animaux curieux hein, c’est ça, c’est eux autres qui ont semé l’alerte en en étant trop captivé par l’incendie. Ils se sont sauvés eux autres même.

Ils ont choisi de regarder l’incendie au lieu de se faire traire. C’est correct parce sinon, j’aurais peut-être arrivé 1 heure trop tard, puis 1 heure trop tard ben rendu là, ben ça devient exponentiel. À l’heure, ben c’est pas 100 000 c’est 1 million, puis là après 1 heure ben là c’est plus 1 million, c’est 3 millions qui y passent. C’est plusieurs après ça c’est toutes les animaux qui y passent. Mais sur place vous avez quand même vu que les vaches étaient curieuses qu’elle regardait dans la direction du feu. Ouais, ouais, ouais, une chance qui ont fait, parce que…ouais. Faut les remercier de vous avoir averti. Ils se sont sauvés eux autres même.

Malheureusement l’histoire de Jonathan n’est pas unique. Heureusement pour lui il n’y a pas eu de mort sur la ferme, mais souvent ça arrive que des animaux vont mourir lors des incendies. Il y a quelques années l’organisme de bienfaisance Humane Society International a publié un rapport où ils ont étudié les cas d’incendie de bâtiments agricoles au Canada. Et ils ont identifié entre 2015 et 2019, que environ 65 granges partent en feu à chaque année. Compte tenu de tous ces défis et risques associés avec la prévention et la protection des animaux lors des incendies, on peut se poser la question quelles sont les exigences réglementaires pour protéger les animaux. On sait qu’il existe des exigences dans différents bâtiments pour protéger les personnes qui s’y trouvent à l’intérieur. Mais qu’en est-il pour les animaux? En réalité, il y a très peu d’exigences réglementaires pour protéger les animaux en cas d’incendie et en tant que juriste et chercheuse, ça m’a intrigué parce que je me posait la question: est-ce qu’il n’existe véritablement aucune réglementation. Alors, pour répondre à cette question, j’ai été en contact avec le fondateur et le directeur de l’Association de droits animalier Québec maître Nicholas Morello. Aujourd’hui il mène un projet approfondi pour mieux comprendre, l’encadrement réglementaire de la protection du bien-être des animaux en cas d’incendie.

Au Québec en 2015, le législateur a décidé de changer le statut juridiques des êtres animaux pour le déclarer, premièrement qu’ils ne sont pas des biens, deuxièmement qu’ils sont des êtres, troisièmement qu’ils sont sentient, c’est-à-dire qui peut ressentir des choses y compris la souffrance, l’anxiété, la douleur, la détresse. Ainsi que de décrire les effets animaux comme ayant des besoins essentiels. Alors c’est un régime juridique unique. Nous avons constaté que en dépit de ce nouveau statut, qui édicte que l’être animal peut souffrir, il y avait un grand nombre des incendies. Au Québec, depuis 2015, le DAC a fait le recensement qu’il y a plus que 60 000 êtres animaux qui sont brûlés vifs à chaque année, brûlé vif dans un incendie est comme mourir dans une chambre de gaz. Alors, c’est très douloureux et la souffrance est inestimable.

Il y a 17 régions administratives au Québec et nous avons identifié les régions qui représentent plus que de la moitié des incendies. Donc ça compte trois régions administratives au Québec. Alors nous avons étudié, dans ces trois régions où il y a plus que 50 % des incendies, les régimes réglementaires. Ce que nous avons découvert c’est que parmi les 333 municipalités que nous avons étudiées il y en a qu’une seule municipalité qui a un règlement qui vise précisément les bâtiments d’élevage. Je fais de la distinction entre un bâtiment d’élevage où on va abriter les êtres animaux et un simple bâtiment agricole. Un simple bâtiment agricole n’a pas des êtres animaux dedans, donc il peut avoir des outils, qui sont des biens, donc si vous décidez de laisser vos outils être complètement détruit par un incendie c’est votre choix à vous d’assumer ce risque là ou non. Mais il y a une distinction fondamentale quand nous avons des milliers de poules dans un bâtiment d’élevage. Pourquoi? Parce que le législateur nous dit qu’ils sont des êtres, ils sont dans un état d’être, ils ressentent des choses, et qu’ils ont des besoins essentiels. Donc il est important que la finalité recherchée par un régime réglementaire va reconnaître cette réalité-là au même type que une école, on va avoir un régime réglementaire pour protéger la sécurité des enfants, que dans une immeuble qui est habité avec des personnes âgées par exemple.

Il y a un palier de juridictions qui sont responsables pour les bâtiments. Donc il y a des lois cadres provinciales et il y a les municipalités qui ont le pouvoir de réglementer sur leur territoire, de créer des règlements pour chaque municipalité ou ville ou village. Donc il n’y a pas une loi unique, c’est une panoplie de cadres juridiques qui s’appliquent. Notre objectif c’est de mettre sur pied les assises pour que on puisse créer un vrai régime juridique pour protéger les êtres animaux et non seulement les êtres animaux, mais aussi les agriculteurs. Il faut comprendre que un agriculteur qui est exposé à son bâtiment d’élevage en flamme est très traumatisant. Alors nous voulons réconcilier les intérêts des êtres humains, des agriculteurs, avec les besoins qui sont maintenant décrits dans le Code civil et dans la Loi sur la sécurité, le bien-être et la sécurité de l’animal, pour réduire à un minimum ces incendies récurants année après année.

Alors il y a pas eu de blessures, mais j’imagine que c’est un événement qui vous a marqué, qui vous a fait peur. Ça traumatise sur ce qu’on peut penser, parce que je suis pas du genre à pleurer ou m’apitoyer sur mon sort mais quand j’ai été me lavé après tout ça ben, je fond en larme.
Et j’en parle encore et ça m’affecte encore puis mon troupeau il y aura passé, parce que c’est comme mes petits bébés. Mais j’ai des enfants, j’ai deux enfants. Mes deux enfants sont énormément mieux. Mais j’en ai 140 puis c’est mes petites filles ça aussi. Donc j’aimerais pas qu’il arrive quelque chose à mes petites filles non plus. Donc je suis très heureux, mais deux jours après, on dirait que j’avais une bonne étoile parce que deux jours après, à quelques kilomètres d’ici, ben un producteur en pleine après-midi son troupeau a brûlé pratiquement au complet. Ils ont trouvé quelques têtes mais au final pratiquement tout le monde est passé. Donc vraiment, j’étais juste… j’avais un ange gardien pour moi parce que à deux heures du matin, comment sauver une entreprise, parce que tout y serait passé sinon. Puis on entend parler que, combien il y en a par année.

La réalité c’est que un incendie sur une ferme est un événement traumatisant autant pour l’éleveur, l’agriculteur, que pour ses animaux. Et aussi pour les vétérinaires, et aussi pour les premiers répondants qui arrivent sur les lieux et constatent des animaux en détresse. Malgré l’absence de réglementation étatique, des individus touchés par ces incendies vont prendre l’initiative de développer des normes pour mieux protéger les animaux sur leurs fermes. Alors on peut avoir des vétérinaires, des agriculteurs qui vont développer eux-mêmes des plans d’urgence, qui vont réfléchir à des choses qu’ils peuvent faire.

Après l’incendie, un an plus tard, je comprends qu’il y a eu des changements à la ferme, vous avez développé un plan d’urgence avec votre vétérinaire. Oui, Isabelle c’est une vétérinaire que je connais depuis longtemps. Elle suit mon troupeau un peu avec, en collaboration avec le bureau vétérinaire de Richemont. Isabelle m’a approché pour un projet que, qui me tenait à cœur: un peu comment planifier quelque chose d’un plan d’évasion, un plan d’évacuation pour l’entreprise, soit la mienne, ou même mettons aller plus profond que ça encore, comment faire pour avoir un plan pour tout le monde.

Vous comme vétérinaire, qu’est-ce que vous encouragez vos clients à faire pour prévenir ou mieux réagir à des incendies? Ce que j’aimerais c’est que les clients ils pensent vraiment, s’il y arrive quelque chose chez moi, un incendie, par où je fais sortir mes animaux. J’aimerais ça qu’il regarde quelle porte est la plus favorable. Dans le fond il y a des critères importants pour choisir les sorties des animaux, il faut que la porte elle soit au moins deux fois plus grande que la plus grosse vache de l’étable. Pour qu’il puisse sortir facilement de la bâtisse. La maison où j’habite, s’il y a un feu moi j’ai une alarme et je peux sortir de la maison rapidement quand j’entends l’alarme, mais j’imagine que c’est des enjeux différents à la ferme, c’est plus compliqué, il y a des animaux. C’est quoi la différence entre un incendie dans ma maison puis un incendie à la ferme? Ah et bien c’est sûr que au moins à la maison tu as ton propre, tu peux décider toi-même de sortir. À la ferme il y a vraiment beaucoup d’animaux à gérer et il ils ne t’écoutent pas nécessairement. Faut connaître leur comportement pour pouvoir essayer de faire quelque chose. On a le facteur temps, puis on a le facteur sécurité. Il faut vraiment pas que, que des producteurs se mettent en danger pour sortir des animaux là. Je pense la clé c’est d’y avoir pensé à l’avance puis d’avoir des trajets dans notre tête de qu’est-ce qui peut se faire. Qu’est-ce qui arrive avec les pompiers quand ils arrivent, comment est-ce que eux ils peuvent aider pour gérer l’évacuation des animaux? Je suis allée rencontrer les pompiers de ma région avec une de mes collègues, parce que justement j’étais curieuse de voir s’il y avait des protocoles particuliers par rapport aux incendies de ferme. Les pompiers sont pas formés pour manipuler les animaux puis c’est pas leur mandat non plus. Le mandat des pompiers c’est la sécurité publique, c’est de s’assurer que les gens sont en sécurité. Quand tu as un incendie dans une ferme, tout ton matériel pour contentionner tes animaux, il est en train de brûler dans la ferme. Donc on a aucun matériel pour nous aider à contentionner nos vaches. On a pas de licou, on a pas de barrière. Si les pompiers ils avaient quelques licous dans leur camion, et bien en arrivant sur le site sans que ça soit leur responsabilité, ils pourraient le donner aux gens qui sont là qui connaissent les animaux, qui sont capables les manipuler. Parce que eux justement connaissent pas, ils savent pas comment manipuler les animaux. C’est pas leur mandat de gérer les euthanasies puis tout ça là, pas du tout. Donc eux je dirais que ça faisait leur affaire là de savoir, avoir un avis vétérinaire par contre ce qu’ils nous ont demandé: c’est ils nous ont dit c’est beau si vous voulez venir sur un incendie, mais ce qu’on aimerait c’est que vous soyez bien identifié. Donc on s’est fait faire des vestes de sécurité jaune avec, identifié avec vétérinaire écrit en arrière.

C’est Isabelle qui a monté un plan spécial. C’est un plan du site, soit par vue aérienne, donc ça nous montre un peu la définition, un peu des bâtiments, mais aussi qu’est-ce qui est très important c’est l’accès aux portes. Donc ça il y en a plusieurs exemplaires, soit chez mes parents, soit dans ma maison, soit au garage, soit dans des sheds. Parce que c’est des plans, c’est des plans mais qui peuvent aider à aller beaucoup plus rapidement. C’est ce qui a été proposé par Isabelle puis ça a été vraiment bien fait. Donc nous ce qu’on a fait, on a fait juste qu’est-ce qu’on pouvait faire, le mettre en œuvre. Et pour les contacts qui a une place sur la liste, qui est-ce qu’on doit appeler? Ouais, dans le fond on a un peu classé en priorité les listes de contacts. Ceux qui peuvent venir aider dans l’immédiat. Ensuite on a mis les transporteurs d’animaux: ça peut nous aider à de un, garder les animaux à un endroit sécuritaire si on réussit à les embarquer dans une remorque et aussi s’il faut les déplacer dans une autre ferme, les transporteurs sont déjà là pour le faire. Vétérinaire on l’a mis sur la liste parce que des fois en situation d’urgence tu y penses pas automatiquement à appeler le vétérinaire. Ce qu’on a mis aussi c’est des pelles mécaniques, tracteurs, des fois qui peuvent aider à couper le bâtiment ou cesser le feu. Puis dans les prioritaires les fermes pensions d’animaux possibles, c’est où qu’on les envoie nos animaux s’il arrive quelque chose. On dirait que sous le stress tu en connais plein d’amis qui ont des fermes, des voisins, mais sur le coup, c’est difficile de bien réfléchir. Si tu as déjà pris une entente avec quelqu’un, tu as déjà pensé, ça va être vraiment plus facile. Sinon on avait aussi la liste de matériel à avoir à conserver, chose importante en dehors de l’étable, parce que si tu conserves tes choses à l’intérieur ben ton étable est en train de brûler et ça te prend un kit d’urgence que tu sais il est où à l’extérieur de l’étable. Et je pense Jonathan tu disais que tu avais plusieurs exemplaires plusieurs, on peut l’emporter. Parce qu’on le ramène à sa place. Oui on va le remettre à sa place. C’est une belle affaire. Donc il y en a dans table, il y en a dans la laiterie, il y en a dans le garage, il y en a la maison. C’est la même chose, puis on pourrait dire merci à Isabelle d’avoir pris l’initiative de ça, parce que moi je l’avais pas fait. Mais avec l’aide on le fait.

Ah mais c’est vrai. On pourrait faire sortir le troupeau en quelques secondes, 65 vaches, on pourrait faire sortir ça relativement rapidement parce que j’en rien barrerai une là-bas, donc tout le monde passerait tout le monde tournerait. Là il y en a une qui est curieuse, qui aimerait ça sortir. Elles se disent on est prête!

Entre la réglementation étatique et la volonté individuelle, on peut trouver aussi d’autres sources de règles normatives pour encadrer les activités agricoles. Alors on voit maintenant, tranquillement, l’industrie qui s’intéresse à ce sujet. Daphnée Menard, qui est avocate et doctorante à la Section de droit civil mène des recherches sur l’autorégulation du bien-être des animaux au Canada. Et elle va nous dresser un portrait de comment l’industrie aujourd’hui, commence à encadrer les activités agricoles pour mieux prévenir les risques associés avec les incendies dans les bâtiments agricoles.

Dans le contexte du bien-être animal à la ferme puis de la gestion des urgences et des incendies, on a, au Canada, ce qui s’appelle le Conseil national pour les soins et la manipulation des animaux d’élevage. Et le Conseil national est la base qui s’appelle des codes de pratique, pour encore une fois les soins et la manipulation des animaux d’élevage. C’est un système d’autorégulation. Il faut comprendre que le Conseil national pour les soins animaux d’élevage ne relève pas du gouvernement fédéral, ni du gouvernement provincial, c’est pas non plus un organisme public ou parapublique comme le serait en agroalimentaire l’Agence canadienne d’inspection des aliments par exemple. En fait le Conseil national c’est un organisme sans but lucratif, donc privé, qui est né en grande partie à l’initiative de l’industrie agroalimentaire. Puis les gens qui se trouvent-là, dans ce cet organisme-là, c’est principalement des gens issus de l’industrie agroalimentaire. Et puis donc ces personnes-là ont décidé de s’imposer elles-mêmes des normes en termes de traitement des animaux à la ferme.

En fait les codes de pratique, c’est vraiment des lignes directrices. Ça se présente un peu sous la forme d’un guide ou d’un manuel destiné aux producteurs et aux productrices agricoles, puis aussi aux médecins vétérinaires qui pratiquent en agriculture. Le but c’est de standardiser les normes, donc comment on s’occupe d’un animal à la ferme, vraiment d’établir un niveau planché de comment ça se passe, comment on traite les animaux à la ferme. Puis il faut comprendre qu’évidemment il y a un code de pratique pour chaque filière agricole. Donc pour le cochon, le poulet, les vaches laitières, etc. Et il faut comprendre que les codes en soi ne sont pas des lois ou des règlements, puis sont pas adoptés par nos élus. Donc c’est plutôt, ce qu’on pourrait appeler les règles généralement reconnues ou les règles de l’art en agriculture. Donc ce que, de manière générale l’industrie considère comme étant la façon acceptable d’élever les animaux à la ferme.

Les codes de pratique peuvent inclure des éléments en termes de gestion des urgences et des incendies. Et je pense que ce qui en fait des outils vraiment intéressants à ce niveau-là, c’est le fait, comme je vous disais que, ce sont des outils qui proviennent de l’industrie agroalimentaire elle-même. Donc on s’attend à ce que les producteurs, productrices agricoles, médecin vétérinaires connaissent et suivent ces règles -là. Par contre, quand on jette un coup d’œil sur les codes puis qu’on les lit un peu plus attentivement, on peut se rendre compte que, oui il y a certaines exigences en termes de gestion des urgences. Il y a par exemple l’idée d’avoir un plan d’urgence qui est connu du personnel avec par exemple le nom des différentes personnes ressources à contacter en cas d’urgence. Donc c’est des exigences intéressantes mais c’est quand même assez minimal, je dirais. Mais il y a certains codes aussi, puis par exemple le dernier code de 2023 qui a été adopté pour les vaches laitières: il y a pas d’exigence dans ce code-là, par exemple, sur les urgences, la gestion des urgences à la ferme. C’est seulement des recommandations. Donc on recommande de mettre en place certains éléments mais c’est pas exigé. Donc je pense qu’une piste de solution intéressante ce serait que l’ensemble des codes pour l’ensemble de la filière-là, par exemple, le poulet, les vaches, les cochons comporte des exigences claires en ce qui concerne la gestion des urgences, par exemple dans le cas des incendies, l’installation de système incendie dans les bâtiments agricoles.

Donc si jamais le feu partait maintenant, je vois qu’il y a des extincteurs un peu partout. Ouais, il y a quelques 20 livres, il y a des 10 livres, ouais, il y en a dans tous les coins d’étable. On prend pas de chance. Ça, ça fait quoi? Ça se déplace, c’est des balles rondes pour les litières, mais il se déplacerait. Donc on réussirait à bloquer une allée pour ouvrir les portes pour passer tout le monde.
Ok, pour guider.

En ayant fait l’exercice des mesures d’urgence, on dirait que j’ai développé le réflexe: automatiquement quand je rentre dans une ferme, tu sais je regarde un ensemble puis on dirait que j’y pense: qu’est-ce que je ferais? Mais j’avoue que je le dis pas à chaque fois-là, parce que des fois ça fait bizarre d’arriver à quelque part puis dire: toi s’il y a le feu chez toi, qu’est-ce que tu fais là? Je veux dire ça prend, peut-être, il faut que le sujet…que le sujet vienne pour parler de ça. C’est quand même un peu délicat mais j’y pense quand même. On dirait que quand j’ai fait l’exercice ça m’a fait développer que je vois les choses, qu’est-ce qui pourrait aider, je le vois plus. Isabelle avait un intérêt pour ça puis j’avais tellement passé proche que il y avait pas de problème que je voulais le faire. Mais aussi mon bâtiment était quand même très bien adapté pour ça, involontairement, il était bien adapté. Mais Isabelle, j’ai fait aussi un autre projet d’étude avec elle, puis ça avait très bien été. C’est quelqu’un de très gentil, très très compétent puis au bureau je pense que c’est une bonne équipe au bureau, je peux dire c’est une bonne équipe au bureau. Ça me fait plaisir de travailler avec eux autres.

L’urgence d’agir face aux incendies dans les granges ne peut pas être sous-estimé. Chaque animal qui meurt dans un incendie ou même chaque animal qui doit être évacué lors d’un incendie, qui va subir des blessures graves, est un animal doué de sensibilité qui mérite notre attention. On a entendu qu’il y a des lacunes importantes au niveau de la réglementation. Vers qui est-ce qu’on devrait se retourner? Est-ce que c’est au niveau du gouvernement fédéral? le gouvernement provincial? Si c’est provincial, est-ce que c’est le MAPAC? Est-ce que c’est le ministère de la sécurité publique? Est-ce que c’est les municipalités? Est-ce que c’est les premiers répondants? Est-ce que c’est les vétérinaires? Est-ce que c’est l’industrie? On peut aussi se poser la question: est-ce que c’est les consommateurs? est-ce que les consommateurs sont prêts à payer plus pour la viande si les éleveurs doivent dépenser de l’argent pour équiper leur bâtiment agricole avec de nouveaux équipements? Ça appelle à des solutions. Ensemble nous avons exploré plusieurs pistes, maintenant c’est le temps d’agir.

Chaque année, des milliers d’animaux d’élevage périssent dans des incendies à travers le Canada. Pourtant, ces tragédies restent largement invisibles dans le débat public et juridique.  

Dans ce deuxième volet de la série documentaire Le droit à la ferme, la professeure Sarah Berger Richardson, spécialiste en droit agroalimentaire à l’Université d’Ottawa, s’intéresse à un phénomène aussi dévastateur que méconnu : les incendies dans les bâtiments d’élevage.

Un rapport de 2020 de Humane Society International (aujourd’hui Humane World for Animals), révélait l’absence criante de mesures de prévention et de protection pour les animaux d’élevage en cas d’incendie. Interpelée par ce rapport, Sarah Berger Richardson a entrepris une recherche approfondie sur les obstacles juridiques à la prévention des incendies agricoles et sur les possibilités de réforme.  

Son travail l’a menée sur le terrain, à la rencontre de celles et ceux qui vivent ces drames de près. 

Une histoire de résilience et d’innovation 

Le documentaire suit l’expérience marquante de Jonathan St-Pierre, producteur laitier à la Ferme Lijonor. Un incendie évité de justesse l’a marqué profondément.  Il a mis en place avec sa vétérinaire, Dre Isabelle Maheu, un plan d’urgence concret et adapté aux réalités agricoles. 

Malgré la gravité des incendies agricoles, les bâtiments agricoles sont souvent étonnamment exemptés des normes canadiennes de sécurité incendie applicables aux autres types de constructions.  

Me Nicolas Morello, directeur de l’organisme Droit animalier Québec (DAQ), fait valoir que cette inaction est contraire à la législation québécoise. Il rappelle que depuis 2015, le Code civil du Québec reconnaît la sensibilité des animaux, ce qui devrait inciter les gouvernements à agir de manière plus proactive. 

Au Québec, depuis 2015, Droit animalier Québec a fait le recensement qu’il y a plus de 60 000 êtres animaux qui sont brûlés vifs chaque année.

Me Nicolas Morello, directeur de l’organisme Droit animalier Québec (DAQ)

De son côté, la doctorante et avocate Me Daphnée Ménard explore le rôle des normes non contraignantes issues de l’industrie, comme les Codes de pratiques du Conseil national pour les soins aux animaux d’élevage (CNSAE), pour combler ce vide règlementaire étatique. 

Ce nouveau volet du Droit à la ferme est un appel à la responsabilité collective. Il interpelle les juristes, les agriculteurs, les vétérinaires, les décideurs publics, les assureurs, et toutes les personnes soucieuses du bien-être animal et de la sécurité des communautés rurales. 

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