Entre pinceau et tribunal: faire le pont entre l’art et le droit 

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Quand on se lance en droit comme avocat c’est sûr que on peut pratiquer dans un domaine de pratique. Donc, faire des marques de commerce, faire des brevets, faire du droit d’auteur ou alors, avoir un objet, avoir un domaine, une industrie et c’est sûr que dans mon cas ça a été les œuvres d’art. Il y a pas de secret, on est bon dans ce qu’on aime et ça c’est vrai peu près peu importe ce qu’on ce qu’on fait dans la vie, je suis assez étonné de voir à quel point j’ai des collègues qui s’épanouissent parce que ce sont des musiciens, ils font du droit de la musique, ils ont un penchant pour la mode, ils vont essayer de travailler sur ces sur ces questions-là, ils sont bon en informatique – donc vous voyez un peu, je pense que c’est un peu l’idée d’essayer de de marier des passions avec le droit quand on est juriste.    

Je m’appelle Amanda Buttice, récemment diplômée de la Faculté de droit, section droit civil, de l’Université d’Ottawa, mais je suis aussi photographe, danseuse et amoureuse des arts. En entrant à l’école de droit, l’une de mes plus grandes préoccupations était de savoir comment j’allais combiner ces deux aspects de mon identité. En poursuivant mes études de droit, je ne voulais pas perdre mon esprit créatif ni renoncer à mes passions. L’adhésion à l’Association pour le droit de la propriété intellectuelle m’a semblé être un bon premier pas pour assurer ce lien, et j’en suis devenue présidente pendant deux ans. Au cours de ma deuxième année d’études, en particulier dans le cadre de mon cours de droit administratif, j’ai appris l’existence d’un domaine juridique très spécialisé, le « droit de l’art », par l’intermédiaire d’un conférencier invité, et c’est à partir de là que tout a changé pour moi. Le fait de savoir que ce domaine existait a renforcé mon intérêt et m’a fait croire que mes objectifs étaient réalisables. Dans le cadre de mon cours d’enseignement clinique donné par le professeur Étienne Trépanier, j’ai eu l’occasion de rencontrer le même invité afin d’en apprendre davantage sur le domaine et d’inspirer d’autres étudiants ayant des intérêts particuliers, ce qui nous amène aujourd’hui à l’Université de Montréal. 

Je m’appelle François Le Moine, je suis avocat en droit de l’art et du patrimoine culturel. À la fois j’enseigne à l’Université de Montréal, un cours de droit de l’art depuis, depuis plusieurs années. Je pratique dans le domaine et je suis en train de compléter un doctorat sur le sujet.   

Avant mes études en droit j’ai eu une formation qui était en histoire, en histoire de l’art et en philosophie. Donc on a été beaucoup au contact des œuvres d’art. Pas seulement des reproductions mais aussi des œuvres d’art en tant que tel, que ce soit dans les musées ou sur les sites de fouille archéologique ou dans des bâtiments patrimoniaux en rénovation.  

C’est un domaine que j’ai trouvé absolument merveilleux. Au début quand on rentre dans un musée, c’est un peu comme rentrer dans un temple; tout est à sa place tout est – mais plus on commence à creuser, plus on se rend compte que ah ben peut-être qu’un tableau il y a des problèmes, que ça soit parce que on sait pas très bien d’où il vient, ou il y a une période on sait pas où il était, ou alors celui-ci on n’est pas sûr qu’il est que c’est vrai qu’prend de l’envers de la machine c’est vrai que ça tu peut-être que ça tue un peu les émerveillements qu’on peut avoir la première fois qu’on visite un musée mais d’ autre côté c’est sûr que c’est c’est des histoires qui sont passionnantes, c’est des histoires qui sont humainement passionnant souvent. Mais aussi, d’un point pour quelqu’un qui a fait l’histoire de l’art, c’est des histoires qui qui sont qui sont très riches et qui donne une foule de dimensions à un tableau.  

C’est certain que quand j’ai commencé en droit j’ai voulu comprendre comment le droit traitait de ces questions et finalement pour me rendre compte qu’au Canada, il y avait assez peu de travail qui avait été effectué, que ce soit sur les faux, que ce soit sur la provenance ; pour savoir qu’est-ce qu’on fait lorsqu’on a un tableau pour lequel il y a eu des vols ou il y a des trous on sait pas où il était pendant une certaine période. Pour l’import-export des biens culturels, pour le contrôle du marché noir, et donc mon objectif a été de travailler sur ces questions en droit Canadiens parce qu’il y avait eu des choses beaucoup qui avaient été fait aux États-Unis, des choses faites aussi en France, en Italie, au Royaume-Uni mais ici c’est quelque chose qui était relativement récent.   

Donc mon cabinet s’appelle Règle de L’art, seulement du droit des biens culturels. C’est à dire des œuvres d’art, des sculptures, des peintures, des biens archéologiques et toutes les questions juridiques qui peuvent se rattacher. C’est un cabinet individuel, je suis je suis le seul à y travailler mais finalement, je travaille très souvent en équipe. Si j’ai une question en droit fiscal, il va forcément falloir que je travaille avec un fiscaliste. Si j’ai un travail, un problème de succession, il va falloir que je travaille avec un notaire, avec quelqu’un qui est spécialiste dans le domaine. Les œuvres d’art bougent très facilement, donc très souvent ce sont des dossiers internationaux, donc je suis souvent appelé à travailler avec des collègues à l’étrangers aux États-Unis, en Europe pour l’essentiel, que ce soit pour leur fournir des opinions juridiques pour, s’assurer qu’une transaction fonctionne, pour travailler sur un dossier de restitution. Donc même si ça semble quelque chose d’assez solitaire, finalement on est heureusement quelques passionnés à travailler sur ces, sur ce sujet du droit de l‘art, principalement encore une fois en Europe et en Amérique du Nord et puis on est très souvent en contact. Donc c’est un travail qui est très stimulant et on ne sait jamais d’un dossier à l’autre sur quel sujet on va travailler de droit avec qui est-ce qu’on va travailler donc chaque sujet est assez est assez nouveau et chaque dossier est assez unique finalement.   

Je pense qu’il y a deux dossiers que j’ai, où j’étais vraiment très très très heureux du résultat. Les deux fois probablement parce qu’il y avait un un aspect de de un aspect un intérêt public et donc ça dépassait un simple conflit privé en droit de l’art, c’est souvent ça parce que une table, une chaise, un objet du quotidien, ben ça va seulement intéresser le propriétaire point à la ligne. Alors qu’une œuvre d’art quand elle est restituée ça peut-être toute une communauté qui est affectée positivement. Il y a quelques années on avait réussi à négocier le renvoi d’un tableau de Norval Morrisseau à Thunder Bay. Un tableau qui avait été qui était dans le Confederation College qui est un collège où il y avait beaucoup de jeunes autochtones qui venaient pour avoir une éducation un peu plus technique et donc ces deux tableaux étaient à l’entrée pour un peu souhaiter la bienvenue et malheureusement ils ont été volés à la fin des années 70, on les a retrouvés à Montréal, il y a quelques années. Donc ils ont été quand même absents très longtemps et on était vraiment très heureux d’être capable de les renvoyer parce qu’on sentait que on ne les redonnait pas à seulement une entité juridique qui était le collège, mais que c’était vraiment à la communauté. Donc ça évidemment c’est très valorisant d’avoir pu travailler sur ce genre de dossier, étant donné qu’on on sent qu’il y a une injustice qui qui est réparée mais que ça va affecter plusieurs personnes et maintenant les tableaux sont sont évidemment exposé à nouveau.   

J’ai eu énormément de chance parce que dès la première année de pratique j’ai commencé à enseigner un cours de droit de l’art et ça fait plusieurs années que je l’enseigne donc d’abord à Ottawa puis maintenant à l’Université de Montréal. Ça va peut-être être la 9e fois que j’enseigne à l’Université de Montréal. Je pense que tout le monde a été un peu surpris du succès du cours parce qu’au début c’est Benoît Moore qui est maintenant juge de la cour d’appel qui était doyen par intérim à l’Université de Montréal à l’époque. Et donc bon il s’était, s’était dit on va on va tenter de l’expérience mais il s’attendait peut-être à avoir en fait tous les 2 ans tous les 3 ans mais pas que ce soit quelque chose de régulier. Et finalement ça a eu relativement de succès auprès des étudiants. Évidemment c’est c’est pas moi qui a le mérite mais des histoires à chaque fois sont sont tellement intéressantes parce que c’est des histoires de vol d’oeuvre d’art des histoires de pillage, et donc évidemment ça c’est la jurisprudence qui est divertissante.   

C’est un cours qui qui forcément ne peut pas être que juridique parce qu’il y a des aspects politiques, il y a des aspects historiques, il y a des aspects d’histoire de l’art, c’est vraiment quelque chose d’assez holistique. Et comme comme avocat en droit de l’art, il faut écouter ou quelqu’un qui veut faire une politique publique et et avoir de bon un bon régime juridique il faut écouter ce que disent les archéologues sur les pillages, il faut écouter ce que disent les historiens de l’art sur la manière dont l’attribution se fait et c’est la seule manière de parvenir à avoir un cadre juridique qui se tient bout. Je pense que pour les étudiants c’est quand même intéressant d’être confronté à un droit qui est pas un droit linéaire en quelque sorte. Bien que c’est pas une critique d’un cours d’obligation mais un cours d’obligation c’est quand même assez, assez de logique en quelque sorte et ici on est véritablement dans une mosaïque de régime: un objet, une peinture, un objet sacré va pas être saisi de la même manière qu’on soit en droit interne, qu’on soit en Common Law, qu’on soit en droit civil, qu’ en droit international en droit public, et donc forcément ça je pense ça pique la curiosité assez naturellement des des étudiants et donc je suis très content de continuer à l’enseigner encore aujourd’hui.   

Faites ce qui vous passionne. Je pense que c’est vraiment ça qui est important et encore une fois, que ce soit en art, que ce soit en autre chose, que ce soit en musique, que ce soit en mode. Heureusement on a un milieu culturel qui est très riche un milieu culturel qui a besoin de conseil juridique et donc évidemment votre pratique dans la mesure du possible pourrait refléter vos passions et c’est lorsque vous connaissez les gens avec lesquels vous travaillez, lorsque vous connaissez vos clients, vous connaissez bien vos institutions, c’est là où vous allez avoir les pratiques les plus les plus intéressantes. Évidemment ne pas se laisser arrêter par le fait que on vous dise que ben la pratique n’existe pas, parce que moi c’est ce qu’on m’a dit pendant de nombreuses années, c’est gentil des œuvres d’art, tes pas à New York, tes pas à Paris tu ne peux pas faire ça ici. Donc des fois il faut savoir dire non non il faut croire en soi il faut dire que il faut essayer de se dire que peut-être que s’il y a pas de demande pour un service c’est parce qu’il y a jamais eu d’offre pour un service et donc le fait d’avoir cette offre évidemment, c’est pas une carrière qui va nécessairement être très linéaire, qui va nécessairement être très facile mais mais je suis pas le le seul dans cette situation là; le fait d’offrir des services juridiques qui sont un peu novateurs. ça va intéresser les clients et peut-être qu’ils vont préférer aller faire affaire avec qui spécialisé dans ce domaine de plutôt qu’avoir quelqu’un qui est plus, qui est plus généraliste donc évidemment je pense que quand on est à la Faculté de droit on a du mal à voir la richesse des carrières qu’on peut avoir: fonction publique, on soit dans le privé, ça peut être en grand cabinet, en petit cabinet en en solo dans des organisations internationales et donc c’est important pour les étudiants de  poser les questions. Donc évidemment il y a la roi royale de la course au stage c’est pas du tout une critique des grands cabinets, c’est très bien pour beaucoup de gens puis c’est et ce sont des pratiques qui peuvent être extrêmement intéressantes mais si cette voie-là ne vous convient pas, c’est pas parce que vous en entendez pas parler à la Faculté qu’elle n’existe pas nécessairement et donc c’est important de sortir, c’est important de d’écrire aux aux gens qui ont des carrières qui vous semblent, qui vous semblent intéressant et puis c’est important de de vous documenter évidemment souvent ça va prendre un peu plus de temps avant d’arriver à ce que vous voulez mais au final on est on peut être très content de de d’avoir de pratiquer quelque chose qui qui nous passionne.    

Comme la plupart des gens le savent, les études de droit constituent une période particulièrement exigeante pour ceux qui aspirent à devenir avocats. Elles nécessitent d’innombrables heures à la bibliothèque, la participation à divers événements de réseautage et la gestion constante de la pression liée aux résultats académiques, pour n’en citer que quelques aspects. Pourtant, alors que le parcours vers la profession est souvent défini de manière rigide, qu’en est-il des étudiants dont les passions et les intérêts vont au-delà de ce cadre étroit ? Doivent-ils renoncer à leurs autres aspirations ou existe-t-il un moyen de les concilier avec leur formation juridique ?

Découvrir cette possibilité constituait l’objectif principal d’Amanda Buttice, diplômée de la faculté de droit civil de l’Université d’Ottawa. Dans cette capsule, elle relate comment elle a cherché à tracer sa voie au sein de l’école de droit tout en nourrissant une passion pour l’art. Pour mener à bien son projet, elle s’est principalement appuyée sur l’expertise et l’expérience du professeur et avocat Le Moine, qui dirige le cabinet Règles de l’art à Montréal.

En conclusion, ce projet ne vise pas uniquement à établir un lien entre l’art et le droit, mais se veut avant tout une source d’inspiration pour tous les étudiants en droit. Il encourage chacun à combiner ses passions personnelles avec sa formation juridique. Comme le dit le proverbe, « le droit mène à tout » et chacun et chacune est libre d’explorer de nouveaux horizons, à repousser les limites et à construire un avenir où les intérêts personnels enrichissent le parcours professionnel.


Biographie de l’invité :

François Le Moine conseille et représente des clients dans un large éventail de questions juridiques telles que les acquisitions, les restitutions, l’authenticité, les politiques muséales, le droit d’auteur et la Loi sur l’exportation et l’importation des biens culturels, y compris ses aspects fiscaux. François intervient tant pour dispenser des conseils et pour négocier des contrats que lors de litiges. Il aide régulièrement d’autres cabinets qui ont des mandats impliquant des biens culturels.

François enseigne le droit de l’art et du patrimoine à l’Université de Montréal. Il est président de l’Association littéraire et artistique internationale (Canada), siège sur la commission permanente d’art public de Culture Montréal et sur les conseils d’administration de plusieurs organismes culturels. Il est diplômé de la Sorbonne, de l’École des hautes études en sciences sociales ainsi que de l’Université McGill. Il a également effectué des séjours d’études aux universités de Keio, de Shantou, de Copenhague et de Genève.

Référence et liens utiles
À propos de ce projet

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