La pratique juridique en région : le manque d’avocats en Gaspésie

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C’est la proximité avec la nature nous aide à garder l’équilibre. Puis la Gaspésie, elle appelle l’aventure, elle nous permet facilement puis rapidement de décrocher, c’est d’être entouré d’un environnement aussi enchanteur, donc d’être entre mer et montagne ça c’est agréable. La pratique à l’aide juridique c’est très intense mais très gratifiante. On va demander à l’avocat de l’aide juridique en région d’être plus polyvalent qu’en ville, va moins se spécialiser mais là-dedans y a de quoi d’intéressant il y a un défi intellectuel additionnel.

Je suis né en Gaspésie dans un petit village Cascapédia-Saint-Jules, tout près d’ici puis j’ai fait mon secondaire à Carleton et après le secondaire j’ai quitté la Gaspésie pour aller étudier à Jonquière. Par la suite donc j’ai fait mes études en sciences politiques ou à l’université Concordia et en même temps je faisais ça j’ai commencé à travailler pour TVA et LCN à Montréal ça c’est en 2001, mais en 2010 j’ai eu le goût de d’un défi supplémentaire je voulais passer du rôle d’observateur au rôle d’acteur donc je voulais vraiment pouvoir mener des batailles. Alors l’idée du droit est arrivé assez vite et j’ai démissionné de mon poste de correspondant pour TVA, et je me suis inscrit à l’université Laval en droit en 2010. Non ça a été des études passionnantes que j’ai fait le plus rapidement possible parce que j’avais des obligations. Donc j’ai fait le bac en 2 ans le rapidement pour moi c’était clair que je voulais je voulais faire du litige je voulais aller à la cour. On se demandait familialement ce qu’on faisait ce qu’on reste à Québec ou ce qu’on bouge moi j’avais vraiment le désir de revenir vivre en Gaspésie, ça me ça me brûlait depuis déjà plusieurs années, mais j’espérais que le temps fasse son œuvre, que la Gaspésie séduise mon amoureuse pour quelle ait le goût de de déménager, c’est là que j’ai préparé un retour en région. J’étais en train d’évaluer tout ça lorsqu’il y a un poste ici à l’aide juridique de New Richmond qui s’est libéré et donc rapidement ben j’ai appliqué et j’ai été choisi puis c’est comme ça que je suis arrivé en Gaspésie en mai 2015 avec mon amoureuse puis nos 3 enfants, on s’est installé à Carleton et c’est ici que je pratique depuis.

La pratique à l’aide juridique c’est très intense parce qu’on a, bien évidemment, beaucoup de dossiers faut être capable d’être rapide puis de passer de un à l’autre dans le fond on représente toujours l’individu face à des institutions on a le sentiment de de travailler pour la justice

Alors je suis originaire de la Gaspésie, de Bonaventure plus précisément j’ai donc grandi ici pour suivre mes études collégiales toujours en Gaspésie à Gaspé ensuite j’ai quitté mon coin de pays pour les études universitaires à la faculté de droit de l’université Laval j’ai fait mon barreau, je savais toujours pas où tout ça allait mener et je suis revenue en région un peu par hasard j’ai d’abord fait mon stage dans un tout petit bureau de pratique privée là avec une avocate qui maintenant à la retraite qui m’a donné ma première chance j’y ai passé plusieurs mois, j’ai quitté c’est un remplacement je suis parti en vacances je suis revenu et là on m’a offert un contrat et j’y suis demeurée pendant 16 ans alors ma carrière d’avocate s’est déroulée là principalement en protection de la jeunesse jusqu’à ce que je pose ma candidature sur un poste à la cour du Québec où j’ai eu le bonheur d’être nommé je suis juge à la Cour du Québec en chambre criminelle et pénale ainsi qu’en chambre jeunesse depuis 11 ans

travailler à l’aide juridique en région par rapport à travailler à l’aide juridique dans les grands centres c’est sûr il y a beaucoup de similitudes là c’est le même système c’est la même loi sur l’aide juridique par contre dans les régions on doit être un peu plus polyvalent parce que dans les grands centres on va avoir une on va avoir une équipe qui est affectée à la protection de la jeunesse, une équipe en familiale, une équipe dans différents secteurs de droit alors que moi Ben je fais 4 secteurs de droit qui vient ajouter mais un beau défi moi je trouve parce que c’est pour moi agréable d’apprendre tout le temps une autre différence c’est que c’est un petit milieu hein donc on va croiser nos clients et donc il y a cet enjeu-là qui est qui est pas un obstacle à rien puis quand il arrive des moments où on sent que la personne qui a besoin d’aide est trop près de nous puis que notre indépendance professionnelle va être en cause Ben là on va référer au privé

le fait d’être dans un petit milieu avec très souvent les mêmes juges les mêmes avocats de l’autre côté ou en région il y a un avocat de l’aide juridique qui est dans beaucoup de dossiers qui représentent très souvent les enfants on a très souvent le même interlocuteur les avocats de défense qui prennent des mandats en protection de la jeunesse aussi ils sont pas si nombreux alors on se connaît

Je sais que dans l’est du Québec on a une grande autonomie professionnelle alors je sais pas jusqu’à quel point c’est ailleurs mais ici je fais ce que je veux dans mes dossiers avec mon client quant à la à la collaboration des avocats en région elle est excellente et elle n’a pas le choix d’être excellente parce qu’on est finalement pas un très grand nombre d’avocats qui font du litige et donc on va se revoir dossier après dossier après dossier

La bâtonnière du Québec c’est la présidente de l’ordre des avocats qui s’appelle le barreau. Au barreau du Québec on est comme divisé en 15 sections chaque section à son propre bâtonnier, son propre conseil d’administration donc partout à travers le Québec donc dans toutes les régions il y a des bâtonniers et des barreaux de section j’ai fait mes études en droit d’abord à l’université de Laval et mon école du barreau à Québec l’avantage de travailler en région aussi c’est que c’est une c’est il y a une confrérie réelle et lorsque je me mélange à à mes collègues de région je vois vraiment une complicité une taquinerie et même il le nomme ça comment est-ce que ça agréable de travailler en collégialité même si, veut veut pas, on peut arriver au tribunal l’un contre l’autre si on a des des relations sociales de proximité, ça va faire en sorte que notre dossier on va mieux le mener puis même notre client va être mieux représenté parce que on on n’a pas une une attitude vindicative pour rien la l’attitude qu’on doit tous avoir c’est d’essayer de bien accompagner notre client pour régler son problème en toute objectivité aussi puis en toute sérénité

On dirait que c’est facile de trouver des solutions il y a vraiment une belle ambiance au palais de justice aussi puis c’est quand même intéressant parce que c’est un endroit où c’est c’est du litige là donc c’est de la confrontation à la cour

Il y a des aspects particuliers liés à la pratique en région. Le fait de pratiquer à la Cour du Québec dans 2 chambres fait en sorte qu’il y a des gens que je vois, des justiciables que je vois à la fois en chambre jeunesse et en chambre criminelle lorsqu’on devient juge de toute façon on a des obligations de réserve on a des obligations déontologiques qui font en sorte qu’on doit se conduire d’une façon particulière peu importe que les gens sachent ou non qu’on est juge mais certains le savent alors il faut toujours le garder en tête

Et une autre chose qui est fondamentale c’est que la différence parce que le droit c’est le droit je peux aller en cour d’appel à partir du district de Bonaventure de la même chose que si je suis à Québec ou à Montréal, on applique le même droit donc ce qui diffère c’est c’est l’environnement c’est que ici lorsque je pars de chez moi puis je me rends au palais de justice à New carlisle c’est 1 h de route, mais je le fais en moto, 6 mois par année et là Ben j’ai les odeurs dépendamment de la saison puis j’ai j’ai la mer puis j’ai j’ai tout cet environnement magnifique et j’ai l’impression que ça me fait du bien

Quant à l’accès à la justice en Gaspésie pour ceux qui ont des moyens limités grâce à l’aide juridique c’est bien ils ont accès à un service en français ou en anglais et lorsque nous sommes en conflit d’intérêts ici au bureau d’aide juridique Ben on peut donner des mandats à des avocats le secteur privé qui en prenne

c’est important pour nous au barreau du Québec de veiller à ce que l’ensemble des citoyens du Québec puisse recevoir des services juridiques de la part de nos membres. Malheureusement dans certaines régions plus éloignées il y a pas suffisamment d’avocats pour répondre à leurs services c’est un enjeu c’est un souci et à des situations où c’est flagrant je dirais-je vais vous donner l’exemple de la Gaspésie au moment où on se parle il a il manque d’avocats mais il y a une situation assez dramatique c’est que, il y a dans certains domaines de droit pas aucun avocat qui peut représenter un client admissible à l’aide juridique

là où on a une difficulté c’est d’avoir des avocats de la pratique privée qui acceptent de pratiquer en anglais sur mandat d’aide juridique puis ça touche quand même pas mal de monde parce qu’on a des communautés anglophones dans le district de l’aventure beaucoup à New Richmond nous parle alors souvent j’ai des partis qui sont non représentés de mon côté et si les gens ont pas accès à la loi si ils ont pas des avocats qui leur expliquent leurs droits les droits de la partie adverse ils vont régler leur litige entre eux et peut-être pas toujours de la façon aussi civilisée qu’on voudrait ou qu’on pourrait le faire là grâce au système de justice

ici les particularités c’est la réalité autochtone où dans le district de Bonaventure il y a une population autochtone significative et qui est malheureusement comme c’est le cas ailleurs au Canada surreprésenté devant les tribunaux mais il n’en demeure pas moins que pour des justiciables qui sont admissibles à l’aide juridique c’est parfois très difficile dans notre région de trouver un avocat parce que les avocats sont pas si nombreux et que le petit bassin d’avocats fait en sorte que très souvent les avocats pourront pas agir dans un dossier pour une question de conflit d’intérêts

si par exemple il est anglophone mais ça se peut qu’il qui qui finalement là qui a juste pas accès à la justice donc la pénurie d’avocats est liée à l’accès à la justice bien évidemment la confiance du public dans le système judiciaire c’est primordial à cause d’une pénurie de main-d’œuvre ils peuvent arriver à la cour avec des attentes qui sont démesurées ou avec une incompréhension de la procédure ou des règles qui va faire en sorte que ça va être une expérience qui est plus frustrante maintenant quant à l’équité j’ai confiance que les juges lorsque la personne est non représentée vont avoir un rôle qui est adapté à la situation la justice en Gaspésie est encore très humaine, les gens ont le temps de de de parler de se faire entendre les délais sont vraiment pas faramineux ici là c’est sûr qu’ils gagneraient toujours être représenté par avocat là, au niveau de la préparation au niveau de la stratégie au niveau de la compréhension au niveau des attentes au niveau de la capacité de négocier ça c’est toutes des choses qu’un avocat peut apporter

comment on pourrait encourager nos jeunes finissants, nos jeunes à l’école à tenter de faire leur stage en région ou commencer leur pratique en région, je pense que c’est important que tous nos finissants réalisent que partout au Québec on a les justiciables ont le droit d’être accompagnés lorsqu’ils ont un problème juridique d’être accompagné au tribunal en médiation ou quoi que ce soit c’est important aussi qu’il sache que la pratique en région offre une panoplie de d’opportunités qu’il n’aurait peut-être pas dans un plus grand cabinet en en métropole par exemple toucher à divers domaines de droit on peut pas savoir d’emblée que ce qui va nous plaire le plus tant tant qu’on l’a pas essayé sur le terrain dans la dernière année je voudrais notre notre année-là 23 24 ça fait partie de nos priorités stratégiques de d’embrasser ce problème de front là je dirais on travaille ensemble, il y a un plan d’action là assez précis là qui est en cours pour trouver toutes sortes de moyens pour attirer le plus en plus de jeunes à venir pratiquer en région pour faire en sorte que nos étudiants n’aient pas seulement faire leur stage dans les grandes régions comme Québec Sherbrooke Montréal mais plutôt à nous aussi dans les petites régions donc c’est c’est quelque chose qu’on incite à faire

je sens vraiment ici et je vous dirais que c’est une culture locale très forte que moi je vois au fil du temps où les avocats qui ont davantage d’expérience tentent de faciliter la vie des nouveaux puis au final Ben ça contribue à ce qu’ils apprécient leurs pratiques idéalement qui demeure savez moi ce que je constate avec bonheur que il y a de de jeunes juristes qui reviennent en région je suis, je pratique dans une région où le barreau local est assez jeune et c’est très stimulant je suis fermement convaincue que c’est une pratique très intéressante pour un jeune avocat et je les encourage fortement à venir s’établir à la fois pour l’aspect professionnel où ça peut être une pratique diversifiée avec des collègues qu’on apprend à connaître avec une bonne collaboration avec des liens de confiance qui s’établissent et et à la fois avec une qualité de vie où la vie en région, il y a des aspects très intéressant qui ont un impact sur la vie professionnelle c’est peut-être plus facile d’être de bonne humeur et en forme pour faire sa journée de travail

qu’est-ce que je pourrais leur dire pour les inciter à y aller c’est de leur dire n’hésitez pas et plongez on est en 2024 cette génération-là qui sort de l’école qui va sortir de l’école dans les prochaines années ce sont des générations qui qui sont ouverts et qui n’ont pas nécessairement le goût d’embarquer dans une carrière à vie alors profitez de ça pour vous dire mais pourquoi pas moi mon début de carrière j’irai le faire en Gaspésie à Rimouski en Abitibi pour aller voir comment ça se passe justement pour avoir la diversité des domaines de droit dans lequel je pourrais travailler si c’est pas ça Ben on fait 2 ou 3 ans puis on revient mais faut oser l’essayer puis il faut aussi avoir en tête que la qualité de vie en région est souvent beaucoup meilleure qu’en ville on est maître de notre propre vie pourquoi pas faire divers tentatives pour voir ce qu’on aime

L’accès à l’aide juridique en région est un enjeu souvent négligé dans les discussions sur la justice au Québec. Cette réalité suscite pourtant de nombreuses préoccupations et réflexions, particulièrement en Gaspésie. Dans cette région éloignée, les défis sont multiples : manque d’avocats disponibles, distances géographiques, et ressources limitées. Ces obstacles posent des questions cruciales sur l’équité et l’accès à la justice pour les citoyens gaspésiens. 

Alors que les avocats et les juges tentent de naviguer dans ces conditions complexes, le Barreau du Québec se trouve devant un défi de taille : comment garantir un accès équitable à la justice en Gaspésie? Plusieurs perspectives sont à considérer, notamment le point de vue des avocats sur le terrain, les préoccupations de la magistrature quant à l’efficacité du système, et les initiatives que le Barreau pourrait mettre en place pour remédier à ces lacunes.  

Ce documentaire a été produit par Maïka Assels, diplômée de la faculté de droit, section de droit civil, de l’Université d’Ottawa. À travers des entretiens approfondis avec des experts du droit et des témoignages d’acteurs locaux, elle offre une réflexion essentielle sur les réalités de la pratique juridique en région.


Biographies des invité•e•s :

Me Alexis Deschênes : De retour aux sources, Me Alexis Deschênes est natif de Cascapédia-St-Jules, un petit village près de Carleton-sur-Mer, dans la Baie-des-Chaleurs. Il est avocat au Bureau d’aide juridique de New-Richmond.  

Me Deschênes a d’abord fait sa marque en journalisme, où il a couvert la politique pour le réseau TVA durant quelques années. Souhaitant relever de nouveaux défis, Me Deschênes s’est réorienté vers le droit. Membre du Barreau depuis 2013, il a débuté sa carrière d’avocat auprès du Procureur général du Québec. 

Me Deschênes se spécialise dans le domaine du droit familial, en protection de la jeunesse ainsi que du droit administratif et civil. Impliqué socialement, Me Deschênes est administrateur au sein du conseil d’administration de la Maison Maguire pour handicapés. Il est également le représentant de la Gaspésie-Bas-St-Laurent – Îles de la Madeleine auprès de l’Association professionnelle des avocates et avocats du Québec. Il est par ailleurs le président du Parti québécois dans Bonaventure. 

Me Catherine Claveau : Originaire de Chicoutimi, Catherine Claveau occupe le poste de bâtonnière du Québec depuis le 1er juin 2021. À ce titre, elle est la représentante officielle de tous les avocats et avocates du Québec et dirige les affaires et orientations du Barreau du Québec.  

Me Claveau s’est auparavant impliquée auprès du Barreau de Québec pendant plus de 20 ans, ayant notamment siégé comme Bâtonnière (2015-2016) et administratrice (2017-2021). 

Me Claveau a fait ses études en droit à l’Université Laval à Québec, ville où elle s’est établie lorsqu’elle a été admise au Barreau du Québec en 1989. Elle a amorcé sa carrière juridique en droit de la famille et de la jeunesse et en droit civil. S’étant rapidement intéressée aux modes de prévention et de règlement des différends (PRD), Me Claveau est médiatrice accréditée en matières civile, commerciale et familiale. En 1997, avec ses associés, elle a fondé le Cabinet d’avocats Saint-Paul, un cabinet boutique qui a pignon sur rue au cœur du Vieux-Québec. Me Claveau s’est également spécialisée dans les dossiers de harcèlement psychologique en milieu de travail : elle agit comme expert neutre, réalise des enquêtes et donne des formations dans ce domaine depuis 2004. 

L’Hon. Janick Poirier, j.c.q.  : L’Hon. Janick Poirier est juge à la Cour du Québec depuis juin 2012. Elle siège à la chambre criminelle et pénale et à la chambre de la jeunesse à New Carlisle. 

L’Hon. Juge Poirier est détentrice d’un baccalauréat en droit de l’Université Laval. Admise au Barreau en 1994, elle a commencé sa carrière en pratique privée puis à la Commission de la santé et de la sécurité du travail. Dès 1996, elle a exercé sa profession au Centre jeunesse Gaspésie / Les Îles où elle pratiquait en droit de la jeunesse et en droit criminel et pénal.  L’Hon. Juge Poirier s’est beaucoup impliquée au sein de la communauté civile ainsi qu’auprès de son ordre professionnel. 


Cette vidéo de plaidoirie visuelle a été produit par l’étudiante Maïka Assels dans le cadre du cours d’enseignement clinique en plaidoirie visuelle proposé à la Faculté de droit de l’Université d’Ottawa, Section de droit civil.


 

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