L’acte notarié électronique à distance : enjeux et perspectives

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L’acte électronique à distance introduit un élément de nouveauté. C’est la possibilité pour le notaire d’instrumenter en dehors de la présence physique des parties. Le législateur québécois a choisi d’adopter une approche restrictive dans son objectif de renforcer la force probante de l’acte notarié.

Je m’appelle Naivi Chikoc Barreda, je suis notaire et je suis professeure à la Section de droit civil de l’Université d’Ottawa. J’ai publié un article intitulé « De la covid-19 à l’acte électronique à distance réflexion sur les enjeux de l’authenticité dématérialisée » qui a été publié en 2021 à la Revue générale de droit. Dans ce texte j’aborde les enjeux de l’authentification à distance du point de vue du droit notarial et du droit international privé.

Son irruption dans la grande majorité des cas a eu lieu pendant la pandémie, comme une mesure prise par les États pour assurer la continuité du service notarial à une époque où les déplacements physiques étaient strictement réduits. Alors, l’objectif de l’article était d’analyser l’impact de cette mesure sur l’attribut essentiel de l’acte notarié qui est son caractère authentique et qui avait été traditionnellement compris comme nécessitant la présence physique du notaire et des parties dans un même endroit. Alors du point de vue de l’accueil international, au niveau institutionnel, l’Union internationale du notariat latin qui réunit plus de 90 pays a déclaré que l’acte électronique à distance donc la comparution en ligne n’était pas incompatible avec les principes fondateurs notariat latin.

Ce qui était important c’est de respecter une série d’exigences minimales qui met l’emphase sur la responsabilité directe et personnelle du notaire dans l’ensemble du processus technologique. Notamment, l’exécution du devoir de vérifier l’identité des parties et la capacité des parties ainsi que le contrôle de la liberté d’expression du consentement dans son environnement dématérialisé et en aucun cas ils ne doivent être délégués aux prestataires des services numériques.

On peut constater une tendance à l’expansion de l’authentification à distance à l’échelle internationale. Premièrement, il y a un groupe de pays qui adopte une approche libérale du problème en ouvrant cette possibilité à toutes sortes d’actes notarié sans restriction. En deuxième lieu, il y a un groupe de pays qui adopte une approche intermédiaire en consacrant le principe de l’authentification à distance tout en prévoyant des exceptions, pour certains actes particulièrement sensibles ou nécessitant des précautions particulières comme par exemple en matière familiale, en matière successorale, en matière immobilière, aussi. Et en troisième lieu, il y a le groupe des pays qui adopte une approche restrictive en ne permettant cette modalité de réception des actes que dans des circonstances exceptionnelles ou pour certains types d’actes qui ne suscitent pas de problèmes majeurs de sécurité juridique et pour lesquels il y a un besoin spécial de faciliter l’accès à distance.

Quelle est la situation actuelle au Québec ? On peut dire que depuis le mois de mars 2020 jusqu’au mois d’octobre 2023 le notaire québécois a été temporairement autorisé à instrumenter à distance toutes sortes d’actes notariés par le biais d’une plateforme électronique agréée par la Chambre des notaires du Québec. Ce régime provisoire a pris fin en octobre 2023 avec l’entrée en vigueur de la Loi visant à moderniser la profession notariale et à favoriser l’accès à la justice qui est venue apporter des changements importants à ce sujet. Sur les plans du support électronique, celui-ci devient le principe pour la réception et pour la conservation des actes notariés alors que quant à la réception à distance cette solution devient maintenant une mesure exceptionnelle qui doit être justifiée par le contexte spécial de la situation selon l’appréciation personnelle du notaire.

Le texte s’intéresse aussi à la problématique de la circulation internationale des actes notariés. Le texte identifie deux risques de non-reconnaissance de ce document dans le pays d’accueil. Tout d’abord, lorsque ce pays ne connaît pas cette modalité de réception des actes et en deuxième lieu lorsque le pays d’accueil, même s’il connaît l’authentification à distance il soumet cette modalité à des conditions plus strictes que celles existant dans le pays d’origine du document. Par exemple lorsque ce pays prohibe l’utilisation de logiciel de visioconférence privé. Compte tenu de la tendance favorable à l’expansion de ce phénomène il va falloir réfléchir au moyen d’uniformiser à l’échelle internationale l’encadrement légal au sein de différents notariats appartenant à la tradition civiliste et l’une des lignes d’évolution qu’il faudrait explorer c’est la nécessité d’établir un lien de proximité entre la situation juridique et le pays du notaire où celui-ci est établi pour qu’on puisse améliorer l’acceptation internationale de l’acte à distance.

L’acte électronique à distance est devenu un sujet d’intérêt majeur pour la communauté notariale internationale après son introduction par certains États pendant la pandémie de Covid-19. Ce nouvel instrument suscite des controverses que la professeure Naivi Chikoc Barreda analyse au regard des principes du droit notarial et des règles de droit international privé.

Comment garantir l’identité et la capacité des parties à distance ? Comment assurer que les clients donnent un consentement libre et éclairé ? Quels sont les effets de l’acte à distance au-delà des frontières? Voici quelques exemples des questions débattues dans son article « De la Covid-19 à l’acte électronique à distance : réflexions sur les enjeux de l’authenticité dématérialisée ».

L’acte électronique à distance gagne en popularité à l’échelle mondiale, mais son accueil en droit comparé n’est pas uniforme. La professeure Naivi Chikoc Barreda observe différentes approches émergentes pour cette nouvelle pratique notariale. 

Depuis la réforme de la Loi sur le notariat en 2023, le support électronique devient la norme pour la réception et la conservation des actes notariés, tandis que l’authentification à distance est réservée aux situations exceptionnelles. Le législateur entend ainsi concilier la modernisation de la profession notariale et la sécurité juridique inhérente aux actes notariés.

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