La sociologie dans les universités québécoises

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Il y a quelque chose de la sociologie où il faut la pratiquer, il faut aller voir ce que c’est que faire de la sociologie, il faut avoir les moments de révélation là, les moments « aha! » où on comprend quelque chose, où vraiment la théorie sociologique et les travaux de la sociologie nous amènent à voir des réalités qui nous sont familières autrement, à, comment dire, avoir ce qu’on appelle en socio des effets de dévoilement, je pense, pour vraiment comprendre ce que c’est que, ce que c’est que la sociologie. Bref, on le découvre en pratiquant ou en lisant de la sociologie.

Alors je suis Madeleine Pastinelli, je suis professeure au département de sociologie de l’Université Laval depuis 2005, donc c’est-à-dire ça fait presque 20 ans maintenant. Je suis pas sociologue exactement, en fait, j’ai fini par le devenir par la force des choses, mais je suis ethnologue de formation. Comme étudiante au doctorat, j’avais des intérêts qui, j’étais en ethnologie, mais j’avais des intérêts et un cadre de références qui tenaient beaucoup de la sociologie. J’ai toujours été un peu à cheval, un peu à mi-chemin entre les deux disciplines. Et j’ai fait ma thèse sur les liens qui se développent dans Internet, le rapport à l’autre dans Internet, à la fin des années 90, donc dans un contexte qui était complètement différent de celui qu’on connaît aujourd’hui, ce qui était un objet d’étude assez original pour l’ethnologie, et qui m’a amené à travailler sur toute la littérature sur les transformations du lien social, les nouvelles formes du lien social, la montée de l’individualisme ou la forme que prennent les liens dans le contexte de rapports sociaux de plus en plus individualisés. Et donc quand j’ai fini ma thèse, j’étais comme en bonne posture pour me présenter sur des postes autant en ethnologie qu’en sociologie, en communication. Puis sociologie, moi, c’était vraiment mon premier choix, c’est ce qui me plaisait le plus, parce que pour moi, la sociologie, c’est, comment dire, la discipline mère de l’ensemble des sciences sociales; c’est la discipline dans laquelle on va puiser les références conceptuelles, théoriques, même dans les autres disciplines, je veux dire, en criminologie, en relations internationales, même en droit, on se réfère à la sociologie, aux classiques de la sociologie. Puis donc pour moi, aller en socio, ça me permettait d’ouvrir les horizons puis d’avoir la possibilité de travailler sur tout ce qui pouvait m’intéresser.

En soi, la sociologie du Québec, c’est quelque chose qui est spécifique ou qui est singulier, non pas au sens où, évidemment, on comprend bien qu’en France ou en Allemagne on fasse pas de la sociologie du Québec. Mais ce qui est étonnant, c’est que en France, on ne fait pas de la sociologie de la France, on fait de la sociologie tout court. On va faire la sociologie de la famille, sociologie de la religion, sociologie des mouvements sociaux, comme en Allemagne où on va faire ça, mais on va pas faire sociologie de la France, et on pourrait se demander qu’est-ce que ce serait ou qu’est-ce que ça voudrait dire. Au Québec, ça va de soi, on fait de la sociologie du Québec, c’est-à-dire que on réfléchit à ce qu’il y a de particulier dans la société québécoise, on réfléchit à ce que serait la québécitude, en fait, on est et on a longtemps été particulièrement préoccupés par ce qui caractérise ou distingue ou ce qui est spécifique à la société québécoise. Et ça en fait, c’est pas, pour moi, c’est pas étranger au fait qu’on se retrouve dans un contexte comme chercheur, comme universitaire, où on est quelque part à mi-chemin entre la sociologie américaine et la sociologie française. Et on n’est jamais assez nombreux, nous les sociologues québécois, pour pouvoir faire la sociologie au Québec en se référant uniquement à des auteurs québécois. Et donc on est toujours pris pour lire des sociologues américains, des sociologues français, des fois des sociologues allemands, britanniques et donc on emprunte à une sociologie, des sociologies faites ailleurs, nos références conceptuelles, théoriques, les grilles d’analyse auxquelles on se réfère pour penser le contexte qu’on étudie. Dans mon université, on a un cours de sociologie du Québec qui est obligatoire, qui fait partie du cursus pour tous les étudiants, j’ai envie de dire depuis toujours, en fait, depuis très très longtemps et couramment on se demande dans le recrutement des collègues, pour nous, la sociologie du Québec, c’est un champ important qui doit être couvert et donc il faut qu’on ait toujours au moins un sinon deux-trois collègues pour couvrir ce champ-là et faire enseignement, recherche en sociologie du Québec.

Au premier cycle, la formation en sociologie c’est une formation vraiment générale qui permet de développer non seulement des connaissances générales, mais aussi, et beaucoup, et surtout un sens critique, une capacité d’analyse, de faire de la recherche, de réfléchir, de poser les problèmes et de les solutionner, qui est comme formation de base une formation qui ouvre de nombreuses portes. Nos étudiants diplômés se placent dans une multitude de domaines. Ils sont pas forcément embauchés comme sociologues, ils sont embauchés comme agent de planification, analyste dans des ministères, chargé de projet, comme, enfin à des titres vraiment autres que sociologue, mais dans le cadre desquels leur formation en sociologie elle est très importante. Pour un étudiant qui est pas en sociologie et qui vient faire un, quelques cours de sociologie – d’ailleurs, on en a beaucoup hein, et ça, je pense, dans tous les programmes de sociologie de premier cycle, dans toutes les universités, on s’efforce d’offrir des cours qui figurent comme cours option, comme cours complémentaire – c’est soit l’occasion d’aller chercher, d’acquérir une compréhension ou une connaissance de la société, mais plus spécifiquement de la société québécoise, qui peut être utile dans leurs pratiques professionnelles, ou uniquement comme citoyen ou pour mieux comprendre le monde. Souvent, en fait, l’intérêt pour les étudiants à venir en sociologie est lié à ce qu’est leur formation. Et c’est vrai dans à peu près tous les cours thématiques en sociologie. Maintenant aussi les cours théoriques ou méthodologiques en sociologie présentent un intérêt, je dirais général, pour l’ensemble des étudiants de sciences humaines et de sciences sociales, au sens où ils permettent d’aller chercher des outils qui sont, qui peuvent être mis à profit dans d’autres domaines, et pas uniquement en sociologie. De la même manière que j’ai moi-même fait des cours en ethnologie, autant pour la théorie, la méthode et que je continue à trouver utile et parfois à intégrer dans certains de mes cours de sociologie de la littérature qui vient d’ethnologie, d’anthropologie, parfois même d’histoire, de sciences politiques, parce que ça peut être pertinent. On a toujours intérêt, finalement, à élargir un peu ses horizons.

« Au Québec, ça va de soi, on fait de la sociologie du Québec, c’est-à-dire qu’on réfléchit à ce qu’il y a de particulier dans la société québécoise. » 

– Madeleine Pastinelli 

En collaboration avec le CIRCEM et l’AISLF, Jurivision présente une série d’entretiens réalisés dans le cadre du XXIIᵉ Congrès international des sociologues de langue française. Intitulé « Sciences, Savoirs et Sociétés », le Congrès a réuni plus de mille scientifiques francophones et francophiles à l’Université d’Ottawa en juillet 2024.

Dans ce billet visuel, la professeure Madeleine Pastinelli raconte le parcours qui l’a menée à travailler en sociologie après avoir été formée comme ethnologue. Elle explique certaines des caractéristiques de la sociologie du Québec, qui est enseignée dans plusieurs universités québécoises. Elle souligne ce que les étudiantes et étudiants au baccalauréat peuvent tirer de la formation en sociologie, y compris dans le cadre de cours complémentaires.

Madeleine Pastinelli parle davantage de la sociologie du Québec dans l’épisode Sciences, savoirs et sociétés (Partie 4) : Spécificité de la sociologie canadienne francophone des Balados du CIRCEM.

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