Le 29 juillet 1949, dans le journal Le Droit : le recteur de l’Université d’Ottawa, le Père Jean-Charles Laframboise, annonçait la fondation d’une Faculté de Droit à l’Université. En mentionnant que « l’Université veut doter notre Capitale d’une grande école de civisme à une heure où notre pays entrevoit des développements extraordinaires. » Le recteur proposait alors les principaux buts de cette future Faculté, dont ceux de former des chefs éclairés, préparer à faire face aux grands problèmes de la vie publique nationale et internationale et de contribuer à l’étude du droit comparé en particulier du droit civil comparé au point de jonctions de deux cultures ou ce heart et centre pénètre deux grands systèmes juridiques hétérogènes.
Quatre ans plus tard … Septembre 1953, 28 étudiants, dont deux femmes, assistent au tout premier cours de la Faculté de droit, dispensé alors dans les anciens bureaux du Centre catholique. Ces étudiants et étudiantes pouvaient-ils imaginer que des milliers d’autres leur succéderaient encore 70 ans plus tard à cette même Faculté ?
Petit retour historique. C’est grâce à une modification législative québécoise de février 1953 que le Barreau du Québec reconnaissait les études en droit de la nouvelle Faculté de droit d’Ottawa. Quelques mois plus tard, la Chambre des notaires adoptait la même position. Le départ tant attendu était enfin donné!
Sous la responsabilité du premier doyen de la Faculté, le juge de la Cour suprême du Canada, Gérald Fauteux et du vice-doyen Paul Ste-Marie, les étudiants de cette première cohorte ont reçu des enseignements de 4 professeurs, dont deux originaires de France, Pierre Azard et Jacques Flour, et de leurs collègues québécois Rodrigue Bédard et Georges Caron. D’autres grands professeurs français, tels Georges Levasseur et Henri Mazeaud sont également venus enseigner au cours des premières années de la Faculté. Ainsi que le juge Robert Taschereau, qui deviendra juge en chef de la Cour suprême en 1963.
Juin 1956 : les 22 premiers diplômes de Licence en droit de la Faculté ont été décernés, dont aux deux étudiantes qui étaient du groupe initial.
De celui-ci, Germain Brière sera, dès l’année suivante, le premier diplômé de la Faculté à devenir professeur de carrière. Diplômé de la seconde promotion, Léo Ducharme rejoindra également le jeune corps professoral à compter de 1958. Tous deux façonneront de larges pans de la doctrine québécoise de droit civil au cours de leur carrière.
En 1957, la Faculté inaugura un programme d’études supérieures et lança le renommé Centre de droit comparé et, parallèlement, la Faculté de common law ouvrira ses portes, faisant ainsi de la Faculté de droit, un endroit unique au Canada où les deux grands systèmes juridiques que sont le droit civil et la common law seront enseignés sous un même toit.
Derrière ces nombreuses dates, les noms de certains pionniers et pionnières de la Faculté méritent d’être rappelés, ainsi que ceux de d’autres qui ont marqué son évolution.
En débutant par Pierre Azard, qui est sûrement l’un des principaux artisans de la Faculté. Professeur de droit civil, auteur prolifique,
Jean-Paul Lallier, diplômé de la Faculté en 1960, ex-ministre et ancien maire de la ville de Québec, écrivait au sujet de son ancien professeur Azard, que, pour lui, « le droit était avant tout une formation intellectuelle rigoureuse » et qu’il leur disait que le but de la Faculté était « de faire de vous des juristes, des personnes qui comprennent le droit, ses origines, son évolution, sa nature et son sens ».
Pierre Azard a pris la succession du juge Fauteux à titre de doyen de la Faculté en 1962. Estimé des étudiants, voyez comment son arrivée à la Faculté à titre de nouveau Doyen a été saluée!
Gérald Beaudoin, de la première cohorte d’études supérieures en 1958, professeur de droit constitutionnel. Doyen de la Faculté pendant 11 ans. Communicateur hors-pair, il a fait connaître la Faculté de droit d’un océan à l’autre par ses interventions médiatiques et son implication dans la vie publique canadienne.
Viateur Bergeron, professeur de procédure civile. Directeur, entre autres, du projet multidisciplinaire JURIVOC consistant à créer un vocabulaire juridique bilingue à l’aide de moyens informatisés. Viateur Bergeron a été doyen de la Faculté ainsi que Bâtonnier du Barreau du Québec.
Donat Pharand, professeur renommé de droit international, spécialiste mondial du droit de la mer.
Alain-François Bisson, professeur de droit civil et de philosophie du droit. Libre penseur, homme d’idées et de fines analyses.
Louis Perret, professeur de droit civil, passionné par les échanges avec l’Amérique du Sud. Co-fondateur de JuriGlobe avec le professeur Bisson. Il a été Doyen de la Faculté.
Et, sans tomber dans une vanité déplacée, il faut souligner qu’avec la nomination d’un de nos diplômés, le juge Richard Wagner, à titre de juge en chef de la Cour suprême du Canada, ce sont donc, avec le juge Fauteux et le juge Taschereau, 3 juges en chef de cette Cour qui ont été liés de très près à la Faculté de droit civil.
De cette liste jusqu’ici bien masculine, il faut souligner l’importante contribution de femmes qui ont également marqué la Faculté :
Francine Lefebvre-Landry, notaire, qui a été la première professeure de carrière féminine de la Faculté, à partir de 1965.
Jeanne-d’Arc Vaillant, qui a été la première professeure à occuper une fonction administrative au sein de la direction de la Faculté.
Nathalie DesRosiers, première femme à devenir Doyenne de la Faculté, et qui, à l’occasion de son décanat, a redonné un souffle et une énergie extraordinaires à celle-ci;
Inspirant, du coup, les deux doyennes qui lui ont succédé : Céline Lévesque, elle-même une diplômée de la Faculté et femme d’action et de conviction. Et l’actuelle doyenne Marie-Ève Sylvestre, dont les talents de visionnaire sont connus de tous. À preuve, elle a été la cheville ouvrière de la conception du récent Certificat en droit autochtone et, surtout, de la reconnaissance de ces ordres juridiques au sein de la faculté, qui est ainsi passée du bijuridisme au multijuridisme.
En tout, 13 doyens et doyennes qui ont guidé l’évolution de la Faculté depuis 70 ans.
Nous pourrions ajouter la centaine et un peu plus de professeures de carrière qui ont dispensé, promotion après promotion, des cours de pointe et publié des recherches qui ont fait évoluer le droit. Ainsi que les encore plus nombreux chargés de cours, juristes de la région et de l’extérieur, qui ont partagé leur expertise professionnelle avec les étudiants.
Et, ne l’oublions pas, un personnel administratif et de soutien compétent et dévoué qui a toujours été au service de l’ensemble de la communauté Fauteux.
On ne peut toutefois conclure ce bref historique de la Faculté sans mentionner ce qui en a été, et demeure toujours, au cœur de celle-ci, soit son atmosphère conviviale, voire festive, qui a permis à des milliers d’étudiantes et d’étudiants, provenant de toutes les régions du Québec, de l’Ontario et de l’étranger, de tisser des liens d’amitié durables, même d’amour, au cours de leurs années à la Faculté.
Que ce soit à l’occasion du premier Bal de la Faculté de droit, tenu au Château Laurier le 25 octobre 1956, présenté alors comme « une rencontre (…) où chacun se révélera un « maître » dans l’art très subtil de la sociabilité et de la fraternisation », ou lors des fameux PBH qui ont égayé pendant de nombreuses années le carnaval étudiant, révélant l’imagination et les indéniables talents artistiques de nos étudiants, ou, plus récemment, lors du Gala du grand Maillet, cérémonie grandiose qui, finalement, se rapproche du Bal du Château Laurier par l’élégance des personnes qui y participent. La vie étudiante a toujours insufflé à la Faculté de droit civil un dynamisme inégalable, dont chaque promotion se rappelle avec plaisir.
Et, c’est vrai, les étudiantes et étudiants, toutes générations fusionnées, doivent…étudier, surtout à l’approche des examens, où la Bibliothèque de la Faculté devient l’endroit parfait pour dissiper stress et nervosité.
Plus sérieusement, on peut le dire haut et fort…les étudiantes et étudiants de Fauteux sont les meilleurs!
L’ancien recteur Laframboise écrivait, en 1949, qu’un des principaux objectifs poursuivis par la fondation de la Faculté de droit était « d’assurer à l’Université d’Ottawa le prestige et le rôle prépondérant qui lui revient de droit et de par sa tradition. À l’occasion du 70è anniversaire de celle-ci, il ne nous revient évidemment pas d’évaluer si ce but audacieux a été atteint.
Cependant, il est possible d’affirmer que le travail incessant de nos fondateurs et fondatrices a inspiré des milliers de juristes talentueux qui, année après année, et dans autant de domaines et de pays que l’on puisse imaginer, nous procurent fierté et émulation pour continuer l’aventure amorcée en 1953.
Nous leur en sommes tous reconnaissants.