Créer des espaces de travail pour publier en français, en espagnol, en italien, par exemple, ou en portugais des revues des autres pays, c’est absolument fondamental.
Je m’appelle Luís Baptista, je suis professeur dans l’Université Nouvelle Lisbonne, on dit en portugais Universidade NOVA de Lisboa. Je suis professeur de sociologie et travaille surtout sur des questions urbaines, mais je suis aussi intéressé dans d’autres sujets, et un sujet que pour moi c’est très important c’est la question de la pratique linguistique du point de vue de la production scientifique, et c’est un sujet qui m’intéresse beaucoup, spécialement quand nous sommes dans un contexte d’énormes changements du point de vue de l’importance des langues pour faire la recherche et la publication.
La sociologie du point de vue formel, seulement après la révolution de 1974, ça veut dire après la démocratie, commence à être étudiée dans la fac, dans les facultés, comme une discipline « normale », on dit comme ça. Et beaucoup des gens qui travaillaient sur la sociologie étaient, travaillaient exilés, surtout pour pays de langue française. Et donc, quand on commence à préparer la structure de la sociologie du point de vue universitaire, ce sont ces professeurs qui viennent pour commencer les cours que nous avons, surtout de la France, de la Suisse et de la Belgique, et qui nous aident à créer une sociologie avec une longue relation avec la culture francophone, si vous voulez. Et donc, je peux dire que toute cette histoire c’est très important parce que la première génération de sociologues portugais connaissait très bien la sociologie de langue française. Et nous sommes en fait créés, dans une logique de relation avec le sujet, la manière de penser que vraiment c’est différent, par exemple, de l’anglo-saxonne. Et donc c’était très important et ça commence comme un projet important qu’on continue dans certaines relations qui existent encore. Le problème c’est l’importance de la langue anglaise, qui devient absolument dominante. Et donc, les nouvelles générations ont perdu un peu ce contact avec la tradition francophone.
Nous avions, par exemple, un institut qui s’appelait l’Institut Franco-Portugais, qui aide beaucoup de professeurs à venir au Portugal, donc de ce point de vue, le fait que aujourd’hui il n’y a pas de financement pour ça, n’aide pas à ce que ça continue fort comme dans le passé. Et la nouvelle génération pourrait être intéressée à continuer ce contact, c’est plus difficile. Là, c’est une question plus politique, on dirait. Du point de vue pratique, la question c’est que même le collègue de langue française commence à publier en anglais aussi, parce qu’il a besoin de faire l’internationalisation en langue anglaise. Donc, je crois que la bonne forme de continuer à travailler en conjoint, par exemple dans cette association, AISLF, nous avons un nombre intéressant de Portugais qui continuent à travailler avec des collègues français. Mais le principal pour moi, c’est penser que nous devrions avoir une politique en conjoint de traduction, parce que la traduction c’est, je ne dirais si important, mais également important comme publier en français, parce que si notre étudiant il ne peut lire le français comme nous avions fait dans le passé c’est important qu’il connaît les auteurs français, de langue française d’une autre façon. Et la traduction c’est absolument central. Je crois même que cette question de la traduction est importante non seulement pour le français, mais dans une stratégie que je pense importante des langues latines. Et nous avons proposé, quand j’étais président de l’Association portugaise de sociologie, avec des collègues d’Espagne, de France, d’Italie, de créer un mouvement en termes de faire des conférences dans notre propre langue. Chacun parle sa langue et les autres font un effort d’entendre. Et ça, c’est une opportunité de commencer à avoir notre façon de relation entre langues et, d’une certaine manière, changer un peu cette dimension qu’il semble que la langue scientifique par nature c’est l’anglais, c’est pas vrai. Nous pouvons faire ça, mais il y a besoin qu’on fait un effort dans cette direction.
Qui fait la science sociale, qui travaille dans les sciences sociales, nous avons deux dimensions, la nationale et l’international. Si on fait un rapport pour, imaginons, une municipalité, il ne fait pas de sens de faire dans une autre langue que notre langue. Donc on doit faire la recherche dans notre langue et à penser dans l’importance que nous avons civiquement pour le développement de notre pays. On doit changer un peu l’idée qu’on doit publier en anglais, parce que la majorité des gens commencent à penser de cette façon. Et je pense même que si on ne fait pas ça dans les prochaines années, on va dire quelques années, la domination de l’anglais sera totale, parce que finalement les gens seront convaincus que la langue scientifique c’est l’anglais, quand nous avons beaucoup de démonstrations dans le passé que la langue est neutre. Par exemple, aujourd’hui, une langue qui était très importante pour la sociologie, c’est l’allemand, a perdu complètement l’influence, même s’il y a d’extraordinaires sociologues de langue allemande. Donc c’est ce travail qu’on doit faire, c’est apporter une vision surtout de diversité, que c’est très important pour la sociologie, parce que la vision de sociologie ne peut être une vision hégémonique, doit être une vision de différents points de vue.